Le calcul de Hillary Clinton
Hillary Clinton joue son va-tout dans les élections primaires de Pennsylvanie. Dans cet État où elle est favorite, il ne lui suffit pas de gagner, elle doit emporter une victoire suffisamment éclatante pour renverser le cours des choses et se présenter comme celle sans laquelle les démocrates ne pourront l’emporter en novembre contre John McCain.
Ce ne sera pas facile. L’avance dont disposait l’ancienne First Lady dans cet État de tradition ouvrière, dont la composition sociologique semble être taillée à sa mesure, s’est considérablement réduite dernièrement.
Barack Obama a beau faire des faux pas, Hillary Clinton a le don de surréagir, ce qui lui fait perdre l’avantage un moment obtenu. Ce fut le cas lors de l’entrée en scène du pasteur aux propos parfois racistes et souvent démagogiques qui fut un temps le conseiller spirituel de son rival. Barack Obama réussit à se sortir de l’ornière en prononçant un discours fort remarqué sur la question raciale.
Lorsque, plus récemment, le candidat noir se mit à parler de l’«amertume» des laissés-pour-compte de Pennsylvanie qui «se raccrochent à leur foi, à leurs armes à feu et à leurs préjugés anti-immigrés», Hillary Clinton fit beaucoup de bruit pour dénoncer un tel mépris des petites gens. Il y avait en effet, dans cette phrase, un indice qui peut laisser penser que, malgré sa magie, Barack Obama ne serait qu’un politicien comme un autre.
Mais il n’est pas certain que l’attaque ait porté. À la spontanéité, certes maladroite, du sénateur de l’Illinois répondait une Hillary Clinton toujours aussi calculatrice et dont l’attitude à l’égard de Dieu, du port d’armes ou de l’immigration n’est pas exempte d’arrière-pensées électorales.
Si Barack Obama reste, à ce stade de la course, l’homme à battre, c’est parce qu’il a réussi à échapper à toutes les étiquettes que Hillary Clinton a essayé de lui coller. Il n’est pas le candidat de la minorité noire, ni celui des syndicats ou de la frange la plus à gauche du parti démocrate. Pour les démocrates, Obama est insaisissable, inclassable. Il le sera beaucoup moins s’il se retrouve face à John McCain, qui pourra sans mal le dépeindre comme un démocrate dispendieux et trop tendre en matière de sécurité nationale.
Depuis longtemps déjà, Hillary Clinton joue le deuxième tour de ces élections pour tenter de s’imposer au premier. Elle fait valoir qu’elle a plus de chances de l’emporter en novembre que Barack Obama.
C’est un argument qui n’a pas encore convaincu les démocrates.
Si elle gagne aujourd’hui en Pennsylvanie, elle pourra dire qu’elle l’a emporté dans tous les grands États où les démocrates doivent être forts lors de la présidentielle cet automne. Mais pour que cet argument suffise à faire basculer dans son camp les superdélégués qui détiennent la clé de l’investiture, la victoire devra être présentée comme un triomphe marquant un virage dans la campagne.
Autrement, il ne lui restera qu’à se démettre si elle ne veut pas, par des calculs inconsidérés, prolonger un duel fratricide qui ne peut que compromettre les chances des démocrates de revenir à la Maison-Blanche.
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