Barack Obama Under Fire From the Right

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Barack Obama sous le feu de la droite

C’était fatal : virtuellement élu président des Etats-Unis il y a un mois, quand deux cent mille personnes venaient l’écouter à Berlin, Barack Obama est réputé être, aujourd’hui, à deux doigts de la défaite. Au moment où va s’ouvrir, lundi 25 août à Denver, la convention du Parti démocrate qui doit le désigner comme candidat à la Maison Blanche, le sénateur de l’Illinois est décrit, dans les médias américains, comme un boxeur sonné par les coups qui lui sont portés par les républicains et dont on se demande s’il va pouvoir reprendre le dessus dans les jours et les semaines qui viennent.

Il est vrai que les sondages nationaux, depuis une dizaine de jours, indiquent un rééquilibrage préoccupant pour les démocrates, mais le mode d’élection du président américain fait que la mesure globale des intentions de vote n’a guère de valeur prédictive. L’évolution des jugements sur John McCain et sur Barack Obama va au rebours des opinions exprimées sur leurs partis respectifs. La seule conclusion qu’on peut en tirer est que les Américains, qui rejettent, dans leur majorité, les républicains, ne sont pas encore acquis à l’idée d’envoyer à la Maison Blanche le candidat des démocrates.

Alors qu’il n’avait cessé de créer l’événement depuis qu’il avait gagné contre toute attente, début janvier, les caucus démocrates de l’Iowa, infligeant à Mme Clinton une défaite dont elle n’avait pas réussi à se remettre, voilà M. Obama sur la défensive. Il est difficile de faire la part d’une possible saturation médiatique, des critiques qui s’aiguisent contre le favori et des erreurs qu’il a pu commettre lui-même. Il paraît juste, en tout cas, de créditer M. McCain et son équipe de quelques coups réussis pour remettre à flot le navire du candidat républicain.

La campagne du sénateur de l’Arizona s’enlisait inexorablement, en juin, après la fin des primaires démocrates et la victoire de M. Obama sur Mme Clinton. Les mots “espoir” et “changement” étincelaient au-dessus du camp du sénateur de l’Illinois. L’atypique McCain, avec les promesses d’innovation et de moralisation que portaient sa carrière et, déjà, sa tentative de candidature en 2000, pâlissait devant la jeunesse et le brio du jeune métis, qui brûlait les planches de la scène politique américaine. Le candidat républicain a fait entrer alors, dans son équipe, des anciens des campagnes de George Bush, formés par celui qui avait été le principal conseiller politique du président, Karl Rove. Ils ont conçu des publicités télévisées agressives, diffusées massivement. Opposant la dérision à la ferveur, ils ont comparé le succès de M. Obama à celui de pop stars sans cervelle. Percutant de front la thématique du principal stratège de ce dernier, l’ex-journaliste David Axelrod, pour qui “le candidat est le message”, un autre spot, The One, accusait le candidat démocrate de narcissisme messianique, en suggérant qu’il se prenait pour Moïse faisant s’ouvrir les eaux de la mer Rouge.

Il a été reproché au candidat démocrate de changer d’avis sur le retrait des troupes américaines, qu’il avait promis d’opérer en seize mois à compter de son entrée en fonctions, avant de s’en remettre à l’avis des généraux, puis de revenir à seize mois. M. McCain, l’un des principaux défenseurs du surge des forces américaines en Irak, en 2007, demande au sénateur de l’Illinois de reconnaître la réussite de cette stratégie, contre laquelle il avait voté. Devant son refus, le républicain accuse le démocrate de “préférer perdre une guerre que l’élection”.

Le sénateur de l’Arizona tire surtout bénéfice, pour le moment, d’une conjoncture irakienne qui lui permet de détourner l’attention des conditions dans lesquelles cette guerre a été déclenchée et de son coût humain et financier. Il a été servi, aussi, par l’entrée des troupes russes en Géorgie, grâce à laquelle il a justifié son hostilité radicale envers Moscou et Vladimir Poutine. Les efforts déployés par Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat, pour parvenir à un accord avec le gouvernement irakien sur le calendrier de retrait des forces américaines, comme pour faire adopter par les Occidentaux une position intransigeante face à la Russie, donnent à penser que le président George Bush et son gouvernement ont décidé de faire ce qui dépend d’eux pour aider M. McCain.

Le sénateur de l’Arizona a aussi marqué des points sur la question de l’énergie. Abandonnant sa position hostile à la prospection pétrolière dans les zones côtières, il a épousé la politique de M. Bush et la campagne lancée par l’ancien dirigeant républicain Newt Gingrich sur le thème : “Forez ici, forez maintenant, payez moins!” Il ridiculise la défense des économies d’énergie par M.Obama, en expliquant que la seule réponse du candidat démocrate à la hausse du prix de l’essence est : “Gonflez vos pneus!”

Gauchiste, musulman, drogué

L’offensive républicaine s’accompagne, dans le plus pur style “rovien”, de la publication d’un livre, The Obama Nation (Threshold Editions), rédigé par Jerome Corsi, déjà auteur d’un brûlot diffamatoire contre le candidat démocrate John Kerry en 2004. En tête des meilleures ventes du New York Times, en raison notamment d’achats groupés, ce livre accuse M. Obama d’être un gauchiste camouflé, un musulman clandestin et un consommateur de drogues.

Il ne reste plus grand-chose, à ce jour, du McCain non sectaire, ouvert et tolérant, qui se distinguait de la droite républicaine en tendant la main aux démocrates. Pour contrer le puissant mouvement qui s’est formé autour de M. Obama, le sénateur de l’Arizona a décidé de faire jouer les ressorts de la réaction conservatrice la plus obtuse : argent, religion, xénophobie, sinon racisme rampant. Mais 81% des Américains pensent que leur pays est sur la mauvaise voie, et les démocrates paraissent assurés de gagner encore des sièges à la Chambre des représentants comme au Sénat.

Quand M. McCain, interrogé sur le nombre de résidences que son épouse et lui possèdent, dit qu’il doit interroger ses collaborateurs (la réponse est sept), il rappelle opportunément aux salariés, en pleine crise des prêts hypothécaires, le fossé qui sépare d’eux l’establishment républicain. De même quand il situe le seuil de la richesse à 5 millions de dollars (3,4 millions d’euros) de revenu annuel. Comme dit M. Obama, “dans ce cas, à 3 millions, on est dans la classe moyenne!”.

Le candidat démocrate ne manque donc pas d’atouts pour contre-attaquer. La convention qui s’ouvre lundi 25 août à Denver lui donne l’occasion de reprendre l’initiative.

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