Lantiaméricanisme. Cest le serpent de mer de tous les dîners en ville, lapéritif obligé du café du Commerce. On en parle comme du monstre du loch Ness, sans lavoir jamais vraiment vu. Mais on est certain quil existe. Il est trop utile. Dabord il structure le débat en politique étrangère, comme les notions de droite et de gauche en politique intérieure. Et puis, surtout, il aide à définir linsaisissable esprit français. Plus on est français, plus on se sent forcément opposé à lAmérique.
Voir de Gaulle. Ce cliché va-t-il résister à lextraordinaire engouement des Français qui se sont rangés derrière Obama ? Quel homme politique ou quelle femme depuis Jeanne dArc a suscité autant dadmiration, despoir, de rêve ? Paradoxe des paradoxes, cest un prototype dAméricain qui appartient par toutes ses fibres à ce pays doù pourtant nous est venue la crise avec ses poisons mortels, les hedge funds et les subprimes.
Quel psychanalyste mettra enfin la France sur le divan pour tenter déclairer le grand fantasme de lantiaméricanisme ? Pourquoi ces deux pays à vocation universelle sont-ils comme chien et chat ? Chacun se sent investi dune mission civilisatrice. Chacun a une leçon à donner au monde. Mais ce nest pas la même. Les Américains voudraient résoudre les problèmes qui se posent à la planète par deux remèdes : largent et la morale. En France, largent na jamais été un but en soi. Rockefeller ne fait rêver personne. Et la morale, dans sa conception puritaine, fait carrément sourire les Français : Clinton et Strauss-Kahn nauraient pas suscité la plus petite commission denquête ni même un écho dans le « Canard enchaîné ». Quant au mensonge, si meurtrier en politique outre-Atlantique, il na jamais, en France, tué personne.
Mais lopposition fondamentale, cest que lAmérique voudrait imposer au monde une vision américaine des choses, y faire régner sa conception de la civilisation. La France vise, elle, à ce que toutes les nations, à travers elle et ses valeurs, développent, sans se renier, un patriotisme de luniversel. Cest cette ambition que les Français ont cru discerner fraternellement dans Obama. Désormais, on aura bien du mal à parler dantiaméricanisme. Sauf à admettre quil est soluble dans lObamania.
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