Les deux hommes se sont rencontrés en septembre 2006. L’activisme de l’un va devoir s’ajuster au leadership de l’autre.
En septembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, rencontre pour la première fois, à Washington, Barack Obama, élu depuis un an sénateur de l’Illinois. Le rendez-vous a été organisé par Jean-David Levitte, l’ambassadeur aux États-Unis, aujourd’hui conseiller diplomatique à l’Élysée. Tout de suite, le ministre, qui ne fait plus mystère de sa candidature, tombe sous le charme. Après cette poignée de main, en sortant du bureau, il lâche avec prémonition : «Celui-là, il ira très loin !» Sans doute le futur chef de l’État a-t-il perçu d’emblée, chez le jeune politicien américain, le charisme, le dynamisme et la volonté de changement qu’il entend lui-même incarner. Comme lui, Obama affiche la décontraction et apprécie le sport. Comme lui, il tire une partie de ses origines hors de son pays et en retire une prédilection pour la diversité et le multilatéralisme.
Deux ans plus tard, en juillet 2008, Nicolas Sarkozy reçoit à l’Élysée le candidat démocrate. L’entretien dure une heure et déborde d’amabilités. «On était d’accord sur tout», se souvient le président de la République. C’est avec ce «copain», comme le qualifie à l’époque le chef de l’État, qu’il aspire à occuper désormais les avant-postes de la scène mondiale. Une aspiration évidente vue de Paris, mais qui l’est moins à Washington. Les tropismes de Barack Obama le tournent vers l’Afrique et l’Asie, avec une attention centrale à la Chine, plutôt que vers l’Europe.
Vents favorables
Certes, entre le Nouveau et le Vieux Continent, les vents sont favorables. «Pour la première fois depuis très longtemps, la question transatlantique n’est pas un problème», souligne le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Bruno Le Maire. Après le creux des années Bush, l’ère Obama suscite a contrario une envie d’Amérique dont Nicolas Sarkozy est le chantre enthousiaste.
L’arrivée de Barack Obama lui promet toutefois aussi des difficultés. Ne va-t-elle pas faire de l’ombre au président français ? Lorsqu’on lui pose la question, ce dernier l’écarte d’un revers de main. «Croyez-vous que les défis actuels ne soient pas assez lourds pour devoir être relevés à plusieurs ? Nous avons besoin des Américains», affirme-t-il.
Nicolas Sarkozy se dit aussi «fasciné» par le vide américain qui a prévalu durant la crise en Géorgie, lors du G20 de Washington et tout récemment encore avec le conflit à Gaza. C’est en profitant de ce «vide», que le chef de l’État s’est employé, sous la bannière européenne, à jouer les faiseurs de paix et les réformateurs du capitalisme mondial. «Les États-Unis sont la grande puissance mais plus la seule puissance», estime Nicolas Sarkozy. Son activisme devra dorénavant composer avec l’inéluctable retour du leadership américain. Son talent à gérer l’urgence devra désormais s’articuler avec la «vision» sur laquelle Barack Obama a bâti sa forte image. Et puis, saura-t-on lui dire «non», lorsqu’il demandera à ses alliés, au nom des «valeurs communes», de prendre une plus grande part du fardeau, en Afghanistan ou ailleurs ? Mardi, le président français a adressé à son nouvel homologue ses «voeux de plein succès» et s’est déclaré «résolu à travailler main dans la main» avec lui pour «relever ensemble les immenses défis» du monde.
Rendez-vous le 12 avril
Des rapprochements prometteurs se dessinent sur la question du réchauffement climatique. Les perspectives s’annoncent nettement plus compliquées sur la refonte du capitalisme mondial, le commerce et la réorganisation des grandes institutions (ONU, FMI, OMC…). Dans ses dernières interventions, Nicolas Sarkozy a pris quelques distances en soulignant, sans citer les États-Unis, que les réformes indispensables se feraient avec ou sans eux… Quant à la volonté, prêtée au nouvel occupant de la Maison-Blanche d’ouvrir le dialogue avec l’Iran, elle ne suscite a priori pas l’enthousiasme des Européens.
La première rencontre entre les présidents Sarkozy et Obama est prévue le 2 avril lors du sommet du G20 à Londres. À l’Élysée, on espérait pouvoir anticiper ce rendez-vous. Mais le président de la République sait que, pour son nouveau partenaire, d’abord occupé par les questions domestiques, il ne saurait être une priorité.
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