George W. Bush, le sida, la politique et la religion
LEMONDE.FR | 19.01.09 | 16h31 Réagissez Classez Imprimez Envoyez Partagez
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AFP – Luke Frazza
Le président américain, George W. Bush, priant pendant l’inauguration faite par Jean Paul II du Centre culturel de Washington, le 22 mars 2001 – Etats-Unis – religion
Le moralisme est une denrée à manier avec précaution. C’est la leçon qui ressort de la série d’articles publiés par l’éditorialiste du New York Times – le grand quotidien américain – Nicholas Kristof, sur les contradictions sur le terrain, en Afrique, entre les grandes promesses humanitaires du président George W. Bush de dégager des milliards de dollars pour combattre le sida, et ses convictions fondamentalistes religieuses.
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On s’en souvient, le président américain avait promis dans son discours sur l’état de l’Union 15 milliards de dollars sur cinq ans pour lutter contre un fléau qui tue 3 millions de personnes par an. Or, écrit Nicholas Kristof, « ce programme semble avoir été écrit plus pour gagner des votes aux Etats-Unis que pour sauver des vies en Afrique ». Dur jugement fondé sur le fait que, des 3 milliards pour 2003 il n’en reste que 2 et que « l’administration cafouille aussi dans son initiative sur le sida en exigeant qu’un tiers des fonds de prévention soient réservés à encourager l’abstinence sexuelle avant le mariage. Ce genre de stipulation montre que les gens de Washington n’ont jamais mis les pieds dans un village africain », ajoute le journaliste dans un article au titre qui en dit long : « Quand la pruderie tue ».
Et de citer le professeur Jeffrey Sachs, de l’université Columbia : « Malgré tout un tas de paroles et un plan qui n’est pas opérationnel, ils [l’administration Bush] n’ont pratiquement rien fait en trois ans. Il est absolument inexcusable que 7,5 millions d’Africains soient morts pendant qu’ils étaient au pouvoir, et que leur programme n’ait même pas touché 500 Africains traités par des programmes financés par l’aide américaine. »
« En limitant les fonds à [promouvoir] l’abstinence, ajoute Nicholas Kristof, l’administration semble plus intéressée à montrer qu’elle privilégie la sensiblerie sexuelle de la droite chrétienne par rapport à la lutte contre le sida. Et, partout en Afrique, il y a cette évidence criante que ce n’est pas seulement le sexe qui tue, mais aussi cette sorte de pruderie rougissante. » De fait, « une étude a montré que seuls 42 % des Africains à risque ont un accès facile aux préservatifs » et, selon un médecin de Johannesburg, « il ne s’agit pas de promouvoir le préservatif, mais de promouvoir la vie ! ».
Autre éditorial au titre frappant : « Tuez-les délicatement ». « Pour être juste, écrit Kristof, le président Bush voulait sans doute bien faire quand il a coupé l’aide à certaines des femmes les plus vulnérables au monde. » Il s’agit là de la coupure des subventions au Consortium pour la santé reproductive des réfugiés, sous prétexte qu’un de ses sept membres, Mary Stopes International, est liée au programme de limitation des naissances en Chine. Le problème, c’est que cette ONG a déjà été contrainte de fermer deux cliniques et de licencier quatre-vingts médecins et infirmières au Kenya « parce que l’administration Bush a appliqué sa gag rule (pas d’argent pour les groupes qui mentionnent l’avortement) et lui a coupé les vivres ».
PLUS DE 150 000 VICTIMES
Première victime, « Rose Wanjera, une femme de 26 ans avec un jeune enfant et un autre prévu pour novembre. En septembre, son mari a été tué par des chiens sauvages et elle a développé une infection qui menace sa santé et celle du foetus. Malheureusement pour elle, elle s’est tournée vers une clinique affiliée à Mary Stopes International. (…) Ainsi, à cause des manoeuvres de la Maison Blanche, des Africaines des bidonvilles perdent des programmes qui leur offrent des visites prénatales, de la protection infantile, une assistance à la naissance et à la limitation des naissances et, par-dessus tout, une aide pour lutter contre le sida. »
Une série d’éditoriaux à l’honneur de Nicholas Kristof et du New York Times qui montre du doigt la contradiction entre les principes et la morale et ce fondamentalisme religieux moralisateur et ultraconservateur si bien en cours dans l’entourage de George Bush.
Et pourtant, comme l’a expliqué au Monde Sue Hornick, de la Coalition internationale pour la santé des femmes (IWHC), la mort de 9 400 mères et de 150 000 enfants aurait pu être empêchée si Washington n’avait pas coupé depuis deux ans son aide au Fonds des Nations unies pour la population au nom de sa « Global Gag Rule ». Ainsi, il est même interdit de faire mention à « l’avortement pour raisons de santé » si l’on veut bénéficier de la manne américaine.
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