L’éditorial de Pierre Rousselin du 2 juin.
General Motors a incarné pendant un siècle la puissance industrielle des États-Unis. Sa faillite est plus qu’un symbole.
Né en 1908, en dépôt de bilan en 2009, le constructeur automobile a été le pourvoyeur de ces belles américaines tout en chromes, les Cadillac, Pontiac, Chevrolet et autres Buick qui nourrissaient les rêves d’une classe moyenne dont le mode de vie allait s’imposer tout autour de la planète.
Dans les années 1950, GM était la plus grande firme industrielle au monde, le plus gros employeur des États-Unis. Ce qui était bon pour GM était bon pour l’Amérique, selon la devise de son patron de l’époque, Charles Wilson.
Aujourd’hui, c’est la chute précipitée de ce géant qui frappe les esprits. Distancée par Toyota, la firme de Detroit n’a pas su tenir compte de l’évolution du marché en faveur des petites cylindrées moins gourmandes en carburant. Elle paye aussi ses énormes coûts salariaux, dus à la puissance du syndicat de l’automobile UAW et à la nécessité, aux États-Unis, de pallier l’insuffisance du système de retraites et de couverture médicale au niveau de l’État fédéral. Chez GM, l’âge d’or de l’automobile se traduisait par un emploi à vie, assorti de ce l’on appellerait en France un «régime spécial». Cela, les États-Unis ne peuvent plus se le permettre. Pas plus que nous.
Comme la sidérurgie, victime de la dernière récession, dans les années 1980, les constructeurs américains sont peu compétitifs et doivent s’adapter. Ford a dû se restructurer. Chrysler a aussi déposé son bilan et sera repris par un groupe emmené par Fiat. Mais, comme Lehman Brothers dans le secteur financier, General Motors était jugé «too big to fail», c’est-à-dire trop importante, en termes d’emplois et de charge symbolique, pour que l’on puisse envisager une faillite.
La crise a balayé ces certitudes. Elle a d’abord emporté l’immobilier, puis la banque. Voilà qu’elle frappe de plein fouet ce qu’il reste d’industrie aux États-Unis. L’automobile n’est plus la colonne vertébrale de l’économie américaine, mais elle reste stratégique en raison du nombre d’emplois directs et indirects. Des faillites en cascade, avec la perte de dizaines de milliers d’emplois, creuseraient la récession dans l’ensemble du pays et peuvent entraîner l’effondrement économique du Midwest industriel.
Voilà pourquoi Barack Obama fait tout pour sauver ce qui peut l’être des activités de Chrysler et de General Motors, quitte à se montrer «protectionniste» en faveur des emplois dans l’automobile américaine.
Là aussi, c’est la fin d’une époque et l’avènement d’un interventionnisme sans précédent de la part du gouvernement fédéral.
Grâce à la liquidation judiciaire et à l’injection de 50 milliards de dollars de fonds publics, un «nouveau GM», viable et compétitif, doit voir le jour. Son capital sera détenu à 60 % par l’État fédéral, ce qui conduit certains sceptiques à l’appeler «Government Motors». Pour Obama, il s’agit moins de changer les lois de l’économie que de faire preuve de pragmatisme politique. Sa réélection, en 2012, peut très bien dépendre du score qu’il fera dans des États clés du Midwest, où l’industrie automobile est concentrée.
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