Edited by Louis Standish
Nobel de la paix : le mauvais service rendu à Obama
Par Yves Thréard le 9 octobre 2009 18h33
Faut-il supprimer le prix Nobel de la paix ? La question est posée après son attribution, hier, à Barack Obama. Cette décision, qui suinte le politiquement correct, est une fausse bonne idée.
Certes, cette récompense, contrairement aux Nobel scientifiques ou de littérature, ne couronne pas le fruit d’une longue recherche ou l’œuvre d’une vie. Elle est, en principe, destinée à une ou plusieurs personnalités contribuant au rapprochement des peuples, à la propagation des droits de l’homme et de la liberté.
Considérations qui s’appliquent sans doute au nouveau président américain. L’homme incarne la rupture, après l’ère Bush. Son verbe est pacifique : à l’endroit des musulmans (discours du Caire), en faveur du désarmement nucléaire (discours de Prague). Ses projets politiques sont empreints d’humanité : la réforme de la santé aux États-Unis. Ses ambitions internationales cultivent la réconciliation : en Irak, en Afghanistan, au Proche-Orient. Enfin, l’homme incarne la nouvelle Amérique, celle qui porte à sa tête un Noir, quarante ans après l’assassinat de Martin Luther King.
N’était-ce pas d’ailleurs le peuple américain lui-même qu’il convenait à ce titre de récompenser ? Lui a osé braver ses préjugés passés et présents pour élire un chef issu d’une de ses minorités. Lui a envoyé un signal concret, exemplaire, au reste du monde. Ce n’est pas si fréquent, même dans les démocraties les plus avancées.
Obama a de belles intentions, mais suffisent-elles à en faire un grand président ? Certainement pas. Il n’occupe sa fonction que depuis dix mois. Sa route s’annonce longue et semée d’embûches. Rien ne dit qu’il ne soit pas renvoyé à la fin de son mandat comme l’un de ses prédécesseurs démocrates, Jimmy Carter, Nobel de la paix lui aussi. Mais en 2002, vingt-deux ans après sa retraite de la Maison-Blanche.
Obama, lui, est en plein exercice. Si ce prix a encore une valeur, il ne peut que compliquer sa tâche, contraindre son action, l’exposer à tous les chantages. Et si le nouveau prix Nobel devait dénouer l’imbroglio iranien par la force ? En politique, la fin justifie les moyens. Pour vaincre, les beaux principes, les grandes idées doivent souvent s’accommoder, en coulisses, d’un inavouable cynisme et de certains compromis.
L’Académie Nobel, qui a couronné Arafat en 1994 mais ignoré le Mahatma Gandhi, ne rend pas service aujourd’hui à Barack Obama.
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