Israël contre Obama, par Caroline Fourest
LE MONDE | 20.11.09 | 13h30
Le gouvernement israélien fait décidément tout ce qu’il peut pour compromettre les efforts de Barack Obama. La décision d’autoriser la construction de 900 logements supplémentaires dans les territoires occupés de Jérusalem-Est a “consterné” le président américain. Le dire marque un tournant dans les relations américaines et israéliennes. Sans que l’on puisse encore prédire sa portée.
Aujourd’hui ou peut-être jamais (André Versaille éditeur) : c’est le titre du plaidoyer d’Elie Barnavi en faveur d'”une paix américaine au Proche-Orient”. Un récit précis et puissant. Il nous rappelle les entraves rencontrées par la paix de part et d’autre. Il espère que l’élan impulsé par Obama puisse nous sortir du plus long conflit contemporain. Les accords existent, les plans sont prêts depuis longtemps, dans les moindres détails… Il ne manque que la détermination politique et des interlocuteurs pour signer. Ce n’est pas rien.
Force est de constater qu’aujourd’hui, sans doute plus qu’hier, le gouvernement israélien porte la responsabilité du blocage. En s’obstinant à rater l’échéance, les jusqu’au-boutistes de la cause israélienne ont renforcé les jusqu’au-boutistes de la cause palestinienne : les Frères musulmans du Hamas. Les fanatiques de chaque côté ont dévoré la raison – fragile – de cette région. Aujourd’hui, Israël se retrouve face à deux embryons d’Etat palestinien. L’un pousse à l’ombre d’un interlocuteur impossible, qui veut sa mort, et l’autre grandit entre les mains d’un interlocuteur discrédité et impuissant : Mahmoud Abbas.
En théorie, la division entre Gaza et la Cisjordanie aurait pu jouer en faveur de la paix. Dans un monde idéal, l’Autorité palestinienne s’autoproclamerait “Etat palestinien” avec l’accord de la communauté internationale, normaliserait ses relations avec Israël, et négocierait ensuite en position de force avec le Hamas au sujet de Gaza… Mais pour que l’Autorité palestinienne soit en position de force, il faut qu’elle obtienne au moins le gel des colonies. C’est ce que demande Barack Obama. C’est ce que refuse Israël.
On aimerait croire que cette intransigeance de plus soit un dernier baroud d’honneur, la énième tentative d’engranger une monnaie d’échange avant de céder les territoires occupés. Hélas, il y a bien longtemps que l’accumulation des monnaies d’échange côté israélien ressemble à une fuite en avant suicidaire.
A force d’utiliser les colonies comme boucliers humains, Israël entretient un fanatisme qui n’est pas le moindre de ses ennemis “intérieurs”. Tsahal est infiltrée par des militaires orthodoxes combattant au nom de Dieu et non plus au nom de la nation. La violence disproportionnée avec laquelle l’armée israélienne a répondu au harcèlement des roquettes du Hamas trahit cette perte de raison.
Le fait que les Etats-Unis aient une fois de plus dû dégainer leur veto pour empêcher une nouvelle mise en accusation d’Israël à propos du rapport Goldstone sur la guerre de Gaza affaiblit un peu plus la position américaine pour imposer la paix. Si Obama n’obtient pas en échange le gel des colonies, il ne reste plus rien de sa promesse, et donc de sa force diplomatique.
En revanche, la page Bush est bien tournée. L’illusion d’un choc entre un bloc musulman et un bloc occidental a vécu. Côté “Occident”, le changement de ton américain et la fermeté européenne face à Israël ne doivent plus laisser de doutes sur ce fait. Quant au “bloc musulman”, il n’a jamais existé en dehors des alliances de façade à l’ONU. Il est temps de le redécouvrir. Entre l’Iran et l’Arabie saoudite, la guerre froide se réchauffe. Chiites et sunnites ne s’affrontent plus seulement en Irak, mais au Yémen et au Pakistan.
Les alliances changent de camp. La théorie du “choc des civilisations” – qui a servi de modèle ou au contraire de repoussoir pendant l’après-11-Septembre – n’a plus aucun intérêt. Les enjeux se “déconfessionnalisent” pour apparaître dans leur triste nudité : celle des conflits d’intérêts.
Caroline Fourest
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.