L’industrie automobile change de siècle
L’industrie automobile est née en 1908, année de la création de General Motors et de la sortie de la première Ford T. Elle est morte en 2009, du moins dans sa forme actuelle, avec la faillite du même General Motors.
L’effondrement du numéro un mondial de l’automobile a été l’événement industriel le plus spectaculaire de l’année 2009. Il n’est pas le seul. Quatre ruptures se sont produites qui ont marqué le basculement de cette industrie phare du XXe siècle dans une nouvelle ère. Chacune d’entre elles est l’expression d’une transformation silencieuse, véritable mouvement tectonique à l’oeuvre depuis des années.
1. La chute de General Motors. Le 1er juin 2009, General Motors a déposé son bilan. Aboutissement d’une décennie de restructuration et de perte de parts de marché aux Etats-Unis. Il a succombé sous le coup de sa taille, de ses engagements sociaux et de l’assaut des constructeurs japonais. L’entreprise était devenue le numéro un dès les années 1930. Elle avait alors détrôné Ford grâce à sa science de la segmentation marketing, avec sa douzaine de marques différentes, pour toucher tous les publics, et de la rationalisation industrielle, sous la houlette de son patron mythique, Alfred Sloane.
Plus grosse entreprise du secteur, sclérosée de toutes parts du fait de sa taille et de sa diversification, General Motors a accumulé les retards depuis presque trente ans. Prisonnier d’accords sociaux (retraite, santé) avec les syndicats, négociés durant les périodes fastes, GM comme ses confrères Ford et Chrysler n’a pas supporté l’installation sur son territoire des usines de Toyota, Honda ou Nissan, bien plus compétitives et produisant des véhicules de meilleure qualité. Nationalisé cette année par le gouvernement américain, General Motors a sauvé sa peau in extremis, mais sa chute symbolise la fin du gigantisme et d’un certain rêve américain.
2. Le déclin de Toyota. Personne n’avait vu venir la catastrophe. Le symbole de l’excellence manufacturière japonaise a plongé plus que ses concurrents dans la crise, et ne parvient pas à redresser la tête. Sur le marché américain, source de son succès planétaire, l’entreprise a vu ses ventes chuter de près de 25 % cette année, plus que Ford, Hyundai ou Volkswagen, et dans les pays émergents sa part de marché s’effrite plus encore.
Pire, l’entreprise a enchaîné les rappels de modèles pour des problèmes de qualité, affectant sa notoriété sur le très exigeant marché américain. Le modèle de fabrication en grande masse et à coûts très compétitifs de voitures sans âme a vécu. D’autant qu’il est concurrencé sur ce terrain par la nouvelle star coréenne Hyundai et, bientôt, par les chinois. Exit le PDG Katsuaki Watanabe, et bienvenue à Akio Toyoda, petit-fils du fondateur. Avec pour mission, de renouer avec les racines de l’entreprise en matière de qualité, tout en ajoutant le zeste de séduction qui manque à ses modèles.
3. L’ascension de Volkswagen. Le marché automobile bascule vers l’Asie, et c’est pourtant un européen qui tire son épingle du jeu. Le constructeur allemand a mieux résisté que ses collègues européens et japonais à la crise, car il peut profiter de ses relais dans les pays émergents, comme le Brésil ou, surtout, la Chine, devenu premier marché mondial et où il est numéro un, devant GM et Toyota. Cerise sur le gâteau, VW a pu, moyennant 2,5 milliards de dollars, entrer au capital du japonais Suzuki, numéro un du marché indien. Son autre atout est la richesse de ses marques, tirée par le succès d’Audi désormais l’égal de BMW et Mercedes. Et sa dixième marque n’est pas la moins prestigieuse : d’ici à un an VW prendra le contrôle total de son cousin Porsche. C’est désormais lui qui mène le bal des consolidations mondiales. Qu’il se méfie tout de même de l’ivresse des sommets…
4. La folie électrique. Depuis un an, on ne parle plus que d’elle. La voiture électrique est supposée sauver l’industrie automobile du déclin en la repeignant d’une couche de vert. Parti en avance avec ses voitures hybrides, Toyota assiste médusé à une forme de surenchère. Renault Nissan promet la 100 % électrique avant deux ans, les américains aussi, et même les chinois. Pourtant, si le potentiel commercial, à chercher du côté des urbains écolos, est bien appréhendé, le modèle économique reste balbutiant. Car le moteur n’est plus la pièce majeure de la voiture. Il est remplacé par la très chère et très lourde batterie. Faut-il la payer, la louer, l’échanger ? Chacun se cherche. Seule certitude, ce secteur ne représentera pas plus de 10 % du marché dans dix ans. Mais il montre la route du futur.
Ainsi l’Amérique n’est plus le centre du monde automobile, le Japon n’est plus la seule alternative d’avenir et la technologie ouvre de nouveaux horizons. Ces trois tendances guideront les dix années qui viennent. Elles seront certainement marquées par la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, et par la course aux nouvelles technologies moins polluantes. Une nouvelle industrie est en train de naître.
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