Blackwater: Breakaway in Troubled Waters

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Blackwater, échappée en eaux troubles

Justice. La société à la solde de l’Etat américain est mise hors de cause pour la mort de 14 civils irakiens.

La décision du juge fédéral Ricardo Urbina n’est pas près de redorer le blason des Américains en Irak. Le jugement qu’il a rendu, jeudi, met fin aux poursuites intentées par le ministère de la Justice contre des employés de la société de sécurité privée Blackwater. Les cinq agents, accusés d’avoir tiré sur des civils irakiens en 2007 et tué au moins 14 personnes alors qu’ils travaillaient pour le compte du département d’Etat, ne seront donc pas jugés. Dans ses conclusions, le juge rejette toutes les accusations, estimant que les procureurs ont présenté des preuves qu’ils n’étaient pas censés utiliser, violant les droits constitutionnels des accusés.

Chantage. Ces éléments de preuve ne sont autres que les «aveux» des agents faits juste après la fusillade et obtenus à force de chantage. Les enquêteurs les avaient menacés de licenciement s’ils ne parlaient pas, leur promettant qu’aucune de leurs déclarations ne serait retenue contre eux en cas de procès. Les cinq hommes, âgés de 24 à 29 ans, avaient fini par plaider non coupables, au début de l’année, des 35 chefs d’accusation dont ils devaient répondre. En décembre 2008, un sixième agent avait, lui, plaidé coupable de tentative d’homicide.

Bagdad a fait savoir qu’il allait «prendre les mesures nécessaires en vue de poursuivre en justice» la société américaine. L’incident du 16 septembre 2007 est l’un des plus controversés ayant impliqué des agents de sécurité étrangers en Irak. L’enquête irakienne avait conclu à la responsabilité de Blackwater et faisait état de 17 civils tués. Les témoins avaient assuré que les agents de sécurité, qui escortaient un convoi diplomatique, avaient tiré sur des civils sans avoir été agressés. Blackwater, rebaptisée Xe Services cette année, affirme que ses gardes étaient en état de légitime défense. La décision du juge n’a pas été commentée, hier, par l’administration américaine. En 2007, Obama s’était indigné des pratiques de ces mercenaires «qui agissent comme s’ils étaient au-dessus de la loi».

Aujourd’hui, l’Amérique a recours aux sociétés de sécurité privées sur tous les fronts : Irak, Colombie, Afghanistan, Irak, devenant ainsi les sous-traitants du gouvernement. Blackwater, dont 90 % du chiffre d’affaires provient de contrats gouvernementaux, est la plus importante. Créée en 1997 par un ancien des forces spéciales, la société aurait, selon le New York Times, mené entre 2004 et 2006 des opérations clandestines contre des insurgés en Irak et en Afghanistan avec la CIA. Selon CNN, deux des sept agents, tués mercredi en Afghanistan étaient d’ailleurs des hommes de Xe Services.

Liste noire. La société est pourtant officiellement sur la liste noire de la Maison Blanche, et au centre d’une enquête de la commission des renseignements de la Chambre des représentants sur son rôle dans un programme mis en place afin de tuer ou de capturer les responsables d’Al-Qaeda. La fusillade avait été source de tensions entre Bagdad et Washington. La décision du juge fédéral ne risque pas de les apaiser.

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