Entre continuité et rupture avec son prédécesseur, Barack Obama tente d’imprimer sa marque dans la lutte antiterroriste. La tâche est délicate.
Le 7 janvier, Barack Obama a repoussé de quatre heures son discours consacré à la gigantesque bourde du 25 décembre: l’embarquement à bord du vol Northwest Airlines 253 du Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, pourtant fiché dans les listes de terroristes potentiels. Ce retard a donné lieu, toute l’après-midi, à une curée médiatique, nourrissant une fois encore le cliché du président démocrate indécis et timoré dans la défense de la nation.
La réalité est différente. Avant de prendre la parole et d’administrer une volée de bois vert à la machine du renseignement américain, le président attendait que les dizaines de milliers d’employés de 16 agences responsables de la sécurité nationale aient été informés par leurs supérieurs de ses reproches et des réformes à mettre en oeuvre. Obama voulait, par ce geste, éviter de heurter ou de décourager l’armée de l’ombre du renseignement.
Son message a été clair: à l’heure de tous les dangers, il entendait aussi rester… Barack Obama. C’est-à-dire un adepte du consensus, doublé d’un cérébral plus enclin à rationaliser et à dédramatiser les crises qu’à les résoudre par des bras de fer et des représailles en forme d’exutoire. Mais ce registre est-il tenable à l’heure du terrorisme? “Ce président intellectuel pourrait avoir un problème à la Jimmy Carter, affirme Walter Russel Mead, historien des présidences au Council on Foreign Relations. Il pense protéger le pays par un recours mesuré à la rhétorique de la puissance et en évitant les confrontations. A ce jeu, on ne manquera pas de lui demander: ne seriez-vous pas trop faible?”
L’ironie est de taille, car la politique antiterroriste actuelle s’inspire de celle menée par Bush lui-même lors des trois dernières années de son mandat, déjà épurée de ses travers les plus brutaux. Obama a promis de fermer Guantanamo, mais s’apprête à transférer les détenus “non libérables” sur le sol des Etats-Unis. Le recours à la force, aux drones télécommandés comme aux mercenaires de Blackwater ne le rebute pas non plus. Le nombre d’éliminations de dirigeants d’Al-Qaeda a plus que doublé depuis un an en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen.
Quant au cafouillage récent, il incombe autant à la nouvelle administration qu’à l’ancienne. John Brennan, conseiller en contre-terrorisme à la Maison-Blanche, Robert Gates, secrétaire à la Défense, ainsi qu’une nuée de hauts fonctionnaires proviennent du gouvernement précédent. Ils travaillent avec une bureaucratie réorganisée en 2004 par George Bush afin d’éviter la guerre des services et la rétention d’informations. Un pari tenu. Trop bien, peut-être. Le flot de renseignements dépasse désormais les capacités des analystes en poste. Barack Obama n’ignore rien des avanies de la lutte contre Al-Qaeda, mais il lui reste à convaincre son pays qu’il peut les résoudre. A sa manière.
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