Edited by Jessica Boesl
Cela ressemble à une fable de La Fontaine. Dès son élection, le nouveau président américain est submergé par les flatteries. Barack Obama devient le Messie, pas seulement pour les Etats-Unis, mais pour le monde entier. Et parmi les fans sincères et naïfs toujours à la recherche d’une idole depuis la mort d’Elvis Presley, se pressent quelques renards qui visent tous les fromages d’Obama. Et Barack y croit. “On m’aime, on m’adore, c’est fou comme on m’aime”, comme le chantait Michel Berger. Et ce pianiste-là tend la main, à ses groupies bien sûr, mais aussi à ses ennemis d’hier dont il pense qu’une approche à la Gandhi en feront des amis de demain ; et pendant un an, il tend la joue gauche et avale tellement de couleuvres que Fillon, un spécialiste pourtant, ne soutient pas la comparaison.
Tout cela aurait pu durer quatre ans et entraîner Obama vers une défaite annoncée. Seulement voilà. Ted Kennedy est mort. Et un an jour pour jour après l’élection présidentielle, un “wake up call” brutal se met à résonner. Un inconnu, play-boy nu devenu triathlonien acharné, offre, contre toute attente, aux républicains la victoire miracle qui fait perdre à Barack Obama sa majorité qualifiée au Sénat. C’est un séisme. Et cette fois, c’en est trop. Le jeune Barack retrouve son livre de fables, et redécouvre la morale de La Fontaine : “le Corbeau, honteux et confus, jura, mais un peu tard, que l’on ne l’y prendrait plus”. Et Barack se dit qu’il n’est pas trop tard. Il a perdu un fromage, mais pas la guerre. Il regarde autour de lui et s’aperçoit que son administration est truffée de défenseurs d’intérêts particuliers.
A commencer par Tim Geithner, secrétaire au Trésor, mais véritable taupe de Wall Street. Il se replie sur ses fidèles : David Axelrod, Robert Gibbs, Rahm Emanuel et Valerie Jarrett. Après l’heure de la main tendue, voici l’heure des claques. Et il commence par les banques. Fait appel au vieux Paul Volcker, ancien président de la banque centrale américaine, et décide de laver l’affront des bonus obscènes de l’année 2009 avec un mot d’ordre : “les banques vont payer”, et elles paieront. Puis, c’est le tour de la Chine. Fini de se courber pour que le pouvoir chinois rie dans son dos. Il attaque, en deux semaines, sur tous les fronts : la liberté d’expression avec Google, Taiwan avec une belle livraison d’armes, le Tibet avec un retour en grâce aux Etats-Unis du dalaï-lama, et enfin le yuan.
En gros, tous les sujets qui fâchent. Puis il se rappelle soudain que Bill Clinton avait gagné en 1992 avec le slogan “It’s the economy stupid !”. Mais oui, bien sûr, qu’il est stupide ! Fini de jouer les présidents du monde (laissons cela à Sarkozy), fini les grands sommets mondiaux inutiles et couteux en CO2 (il annule sa venue au Sommet européen organisé par l’Espagne), il faut qu’il s’occupe de l’économie américaine. De l’emploi américain, des petites entreprises, des impôts. On l’a élu pour être un Robin des bois moderne. Il va donc prendre aux riches pour donner aux pauvres et remettre les pieds sur terre en annulant ses voyages sur la Lune et sur Mars.
Barack Obama a réagi. Il a réagi vite. C’est traditionnellement à mi-mandat, lors des élections au Congrès, que les présidents en place se remettent en question, mais l’élection du Massachusetts lui a fait gagner un an. Je dois vous avouer que je n’aimais pas Barack Obama 1. Probablement parce qu’en bon contrarian, je déteste l’hystérie collective. Mais ce nouveau Barack qui a abandonné les habits de Jimmy Carter pour endosser le costume d’un Reagan démocrate commence à me plaire. Les grands investisseurs et les fonds spéculatifs planchent depuis quelques jours sur l’impact de la métamorphose de Barack Obama avec une certitude : cet impact sera crucial sur le marché des changes, le marché des taux, le marché des actions. On savait que 2010 ne ressemblerait en rien à 2009. On va en avoir la preuve. Après le “Yes I can”, le doute est apparu avec “Maybe he can’t”. Voici venue l’heure de “Maybe he can”.
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