L’équivoque terroriste
Numéro deux du département d’État, doyen des diplomates américains avec, à son actif, la réhabilitation internationale du pestiféré Kadhafi, William Burns est aussi une vieille connaissance des Libanais. Il venait régulièrement, ces dernières années, doper de ses encouragements une révolution du Cèdre jouant à fond la déroute syrienne.
Burns était de retour en début de semaine, prodiguant les témoignages de soutien à l’État libanais, promettant solennellement que jamais l’Amérique n’œuvrerait activement à l’implantation définitive sur notre sol des réfugiés palestiniens. C’est déjà cela bien sûr. Mais quid de la contribution passive, celle qui consisterait à regarder faire l’anarchie ambiante et le temps (62 ans déjà depuis le premier des exodes !), à laisser s’accomplir toute seule, dans le naufrage systématique des plans de paix, une navrante mais inéluctable fatalité historique ?
Autre et délicate attention, c’est par Beyrouth, que le sous-secrétaire d’État avait entamé un voyage dont la principale étape, pourtant, était très visiblement Damas, où Washington vient de nommer un nouvel ambassadeur après une vacance de cinq années consécutive à l’assassinat de Rafic Hariri. Avec le président Bachar el-Assad, le sous-secrétaire d’État a passé en revue tous les points de désaccord, mais aussi de rencontre et de concordance entre les deux pays. Il a reconnu à la Syrie, dans ses implications tant positives que négatives, une position centrale dans la crise du Proche-Orient. Et en diplomate chevronné, il s’est dit satisfait du résultat des entretiens, sans omettre de signaler cependant qu’il restait encore bien du chemin à parcourir.
C’est ailleurs cependant, loin des projecteurs, que se déroulait l’essentiel de l’action, laquelle mettait en jeu non plus présidents et diplomates, mais hommes de renseignements ou de terrain planchant sur cette mère de toutes les angoisses étatiques qu’est la question de la sécurité et son monstrueux prolongement, le terrorisme. La coopération syro-US en la matière n’est guère chose nouvelle, elle est seulement erratique. Au lendemain des attentats du 11-Septembre, Damas fournissait ainsi à Washington de précieuses informations sur les fidèles d’el-Qaëda, localisés un peu partout et répertoriés par ses propres services. Mais à peine lancée l’expédition contre Saddam Hussein, les Syriens se voyaient accuser d’héberger eux-mêmes des militants islamistes ou baassistes d’Irak qui franchissaient librement la frontière pour s’en aller commettre des attentats antiaméricains dans ce pays.
L’affaire ne pouvait que se corser avec le soutien notoire de la Syrie au Hezbollah et au Hamas, deux organisations que Washington considère comme terroristes. Si bien que l’on semble être revenu, jusqu’à nouvel ordre, à cette paradoxale situation où l’on coopère allégrement ici, et pas du tout là. Cela à un moment où sont échangées des menaces de guerre, où le Mossad israélien est pris par les autorités de Dubaï en flagrant délit de terrorisme – le meurtre du Palestinien Mabhouh par un commando d’exécuteurs porteurs de passeports européens – et où le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah se promet de venger durement celui de son lieutenant Imad Moghniyé.
Reste à espérer que l’inventaire des brûlots ne s’arrêtera pas là. Tout aussi préoccupantes en effet, pour ce Liban que Washington couvre de tant de marques de sollicitude, sont les officines et groupuscules de moindre notoriété postés au Liban et que manipule la Syrie à seule fin d’y entretenir l’instabilité. Cela aussi est du terrorisme.
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