L’utile artifice d’Obama
Par Bernard Guetta
En ramenant Israéliens et Palestiniens à des pourparlers indirects, l’Amérique leur permet d’avancer. Par Bernard Guetta
Il y a des raisons d’espérer et toutes les raisons, aussi, de ne pas y croire. Les secondes sont nombreuses, évidentes, inscrites dans deux décennies de déceptions, mais le premier motif d’optimisme est le fait même qu’Israéliens et Palestiniens reprennent bientôt, dès la semaine prochaine sans doute, leurs pourparlers de paix que la guerre de Gaza avait interrompus, il y a quatorze mois.
Ils ne seront pas face à face. C’est George Mitchell, le représentant spécial des Etats-Unis pour le Proche-Orient, qui fera la navette entre eux car les Palestiniens ne voulaient pas reprendre de pourparlers directs tant que les Israéliens n’auraient pas définitivement arrêté la colonisation des territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est. Il y a, là, une régression certaine, comme un retour à l’époque où l’autre n’existait pas, où l’on ne voulait pas se parler, mais le recours à cet artifice prouve, en même temps, que ni les uns ni les autres ne pouvaient envisager d’en rester au statu quo.
Pour les Palestiniens, il aurait vite impliqué une troisième Intifada qui ne les aurait menés qu’à une nouvelle défaite. Quoi qu’ils en disent, même les islamistes du Hamas ne le souhaitaient pas et, côté israélien, cette perspective n’était pas plus enthousiasmante, non seulement parce que leur image internationale en aurait été encore plus atteinte mais aussi, surtout, parce que les esprits ont considérablement évolué en Israël.
Tous les grands partis y acceptent, désormais, l’idée de la solution à deux Etats à laquelle le Likoud de Benyamin Netanyahou s’est finalement rallié, en juillet dernier, dans une conversion qui ne doit rien au hasard et tout à deux changements de fond. D’une part, Israël craint moins, aujourd’hui, la naissance d’un Etat palestinien que la menace iranienne et ne veut donc pas laisser se dégrader ses relations avec Washington. De l’autre, la majeure partie de sa population et de ses élites a finalement compris que, faute d’un Etat, les Palestiniens demanderaient, un jour, à devenir citoyens d’Israël où ils seraient vite majoritaires.
Même sous ce gouvernement, le plus à droite qu’il ait jamais connu, Israël n’a jamais été aussi près d’envisager une coexistence avec un Etat palestinien et, dernier motif d’optimisme, c’est la crédibilité des Etats-Unis que Barack Obama engage dans ces pourparlers indirects. Non seulement ce président persiste à vouloir parvenir à un règlement, non seulement il ne s’est pas laissé décourager par ses premiers échecs mais, afin de convaincre la direction palestinienne et la Ligue arabe de recourir à l’artifice qu’il leur proposait, il leur a donné deux garanties, écrites et assez solides pour emporter leur décision.
La première est que, devant un blocage, les Etats-Unis diraient publiquement qui en serait à blâmer et la seconde, que leur objectif est la création d’un «Etat palestinien viable, indépendant et souverain, bénéficiant d’une continuité territoriale et mettant fin à l’occupation commencée en 1967». Il y a là un message, un gouvernement israélien et une obligation de résultat pour les Etats-Unis qui pourraient difficilement se permettre de complètement échouer ou de laisser Benyamin Netanyahou enliser ces négociations.
Tout cela compte. Ce serait une erreur que de ne pas voir ce changement de donne, mais les pessimistes peuvent, bien sûr, répondre que les Palestiniens et la Ligue arabe n’ont consenti à ces pourparlers indirects que pour ne pas laisser Barack Obama perdre la face et qu’ils ne déboucheront sur rien car la droite israélienne ne voudra pas accepter un partage de Jérusalem.
Les deux thèses se défendent mais la certitude est qu’il y a déblocage.
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