Sauvé mais pour combien de temps ?
Obama conforté sur le plan politique, mais son succès pourrait revenir tel un boomerang.
Envoyé spécial.
L’adoption de la loi lançant la réforme du système de santé constitue incontestablement une victoire politique pour Barack Obama. Critiqué pour son indécision et son incapacité à faire avancer ce dossier sensible qui constituait l’une des principales promesses de sa campagne en 2008, il apparaît enfin comme celui qui sait s’imposer quand il le faut. L’actuel locataire de la Maison-Blanche peut se prévaloir d’être le premier président à prendre à bras-le-corps une question qui pèse si lourdement sur le bilan sanitaire du pays – les États-Unis, première puissance économique mondiale, sont en… 45e position en termes d’espérance de vie – ou même sur sa vie économique et sociale – ce système de santé inefficient étant le plus cher du monde. « Nous allons commencer à régler un problème que nous connaissons depuis des décennies », a-t-il lancé pour souligner le caractère « historique » du vote de la Chambre des représentants dimanche soir.
Si la victoire au forceps au Congrès, qui porte la marque de sa redoutable habileté politique, donne aujourd’hui de l’air au président – en recul très net ces derniers mois dans les sondages – il est loin d’être acquis qu’elle lui permette, à terme, de redresser vraiment la barre. D’abord parce que sur des points essentiels du dossier, Obama et les dirigeants démocrates ont confondu l’art de la négociation avec le poison de la compromission (maintien et expansion des prérogatives des assureurs privés, de l’industrie pharmaceutique, recul sur l’avortement, etc.).
L’épisode de dimanche ne va pas permettre au président de se réconcilier avec ceux qui ont constitué ses plus fervents supporters en 2008, parmi les citoyens les plus démunis, les plus demandeurs de changement, comme ceux des communautés noires ou latino-américaines qui s’étaient si exceptionnellement mobilisées pour son élection. Engagés à leurs côtés, les démocrates les plus progressistes ne cachent pas leur désarroi, ulcérés par le traitement réservé aux migrants et aux droits des femmes.
« Je suis hostile à cette loi et je ne m’y suis finalement rallié, explique Dennis Kucinich, l’un des chefs de file du caucus des démocrates progressistes de la Chambre des représentants, que pour empêcher la destruction définitive du potentiel de la présidence Obama. » Quant aux compromis passés avec le camp conservateur, ils ne peuvent qu’encourager ce dernier, prêt à faire feu de tout bois populiste. Plusieurs des manifestants rassemblés sous le slogan en forme de jeu de mots « kill the bill » (« tuez la loi ») sous les fenêtres du Capitole dimanche après-midi ont vociféré ainsi des propos ouvertement racistes au passage d’élus de couleur de la Chambre des représentants. Cette ultradroite requinquée est bien décidée à surfer sur l’angoisse générée par l’explosion du chômage et du travail précaire, devenus la préoccupation majeure de la population, loin devant la santé désormais. Barack Obama le sait et c’est, semble-t-il, aussi pour mieux consacrer l’essentiel de ses forces et de son temps à cette question de l’emploi, si décisive pour son avenir politique, qu’il a voulu clore, vaille que vaille et sans doute très momentanément, le chapitre de la réforme de la santé.
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