Boycottez ces racistes, ces nazis, ces haineux d’Arizona!
Le débat politique américain a repris de l’emphase ces derniers jours, et cette fois ce ne sont plus les Tea Parties qui donnent de la voix, mais plutôt la gauche ou les Latinos, qui s’insurgent contre une loi «raciste» tout récemment promulguée en Arizona. Des croix gammées ont été dessinées à l’aide de haricots dans la nuit de dimanche à lundi sur les bureaux du Capitole à Phoenix, la capitole de l’Arizona. Car la loi, qui doit entrer en vigueur en juillet, « encourage les techniques de l’Allemagne nazie ou de la Russie communiste », a justifié un cardinal de l’Eglise catholique, Roger Mahony, à la tête le plus grand archidiocèse des Etats-Unis, celui de Los Angeles (riche en fidèles latinos bien sûr).
Le révérend Al Sharpton a comparé aussi la loi à l’apartheid sud-africain ou à la ségrégation qui a longtemps prévalu dans le Sud des Etats-Unis. « Nous ferons descendre en Arizona des marcheurs pour la liberté (Freedom Walkers) tout comme les Freedom Riders étaient descendus dans le Sud profond il y a cinquante ans » a promis le révérend. Plusieurs activistes ou hommes politiques ont déjà appelé à « boycotter » l’Arizona.
Felipe Calderon, le président du Mexique voisin, dont la population est concernée au premier titre, dénonce une loi qui « ouvre la porte à l’intolérance, la haine, la discrimination et les abus ». Les liens commerciaux et politiques avec l’Arizona seront « sérieusement affectés » a aussi menacé le président mexicain. Pour une petite sélection de quelques tirades parmi les plus hautes en couleur, voir ici, sur le site du Huffington Post.
Ce qui provoque tant d’outrances est une disposition de la loi qui permettrait aux policiers locaux d’interpeller et de contrôler les papiers de n’importe quel individu au seul motif qu’il pourrait être un clandestin. C’est la porte grande ouverte aux « contrôles au faciès » ou plus exactement à la « chasse aux Latinos », s’indignent aussi les défenseurs des droits civiques comme Frank Sharry, du groupe America’s Voice. Quelques 460 000 clandestins vivraient en Arizona, la plupart d’origine mexicaine. Selon la gouverneure républicaine Jan Brewer, la loi permettra de lutter « plus efficacement » non seulement contre l’immigration clandestine mais aussi contre les cartels mexicains de la drogue qui étendent leurs activités sur le sol américain.
Tout ce bruit et cette fureur risquent surtout de n’être qu’un avant-goût du débat politique américain jusqu’aux prochaines élections de mi-mandat, en novembre. Car Barack Obama a profité de l’émoi en Arizona pour ressortir sa promesse électorale d’une nouvelle législation fédérale sur l’immigration. Plutôt que de continuer à mouliner au Sénat sa loi sur le climat (que pratiquement plus personne n’espérait de toutes façons voir adoptée cette année), la Maison Blanche va maintenant faire de l’immigration sa nouvelle priorité (avec la régulation financière). Pour éviter que des « Etats se fourvoient » en l’absence de cadre fédéral adéquat, a expliqué le président vendredi. La loi envisagée par Barack Obama (mais qui reste à rédiger…) permettrait de légaliser tout ou partie des quelques 12 millions de clandestins estimés aux Etats-Unis, tout en renforçant les contrôles aux frontières ou à l’embauche. L’effort est certainement louable et conforme aux promesses de campagne de Barack Obama. A quelques mois des élections, cela sent tout de même la manœuvre politique, pour remobiliser les troupes démocrates et réveiller les passions américaines. Au risque de toujours plus d’outrances.
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