A French Bill Gates-like Philanthropist?

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En janvier 2010, Bill et Melinda Gates ont annoncé que leur fondation consacrerait dix milliards de dollars sur les dix ans à venir au développement et à la distribution de vaccins à destination des enfants de pays en développement. Ce montant s’ajoute aux 4,5 milliards de dollars des Etats-Unis donnés par la fondation pendant les dix années précédentes. En plus, Bill Gates, le fondateur de Microsoft, a joué un rôle majeur dans la création de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), un partenariat public-privé. On estime que 2,5 millions de morts d’enfants sont évités chaque année grâce aux vaccinations recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) contre la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la polio, la rougeole, et l’hépatite B.

En juin 2010, Melinda Gates a annoncé que la fondation investisserait 1,5 milliards de 2010 à 2014 pour soutenir des projets innovateurs concernant la planification familiale, les soins pour les femmes enceintes, les nouveaux-nés, les enfants et la nutrition.

La Fondation Gates a engagé des centaines de millions de dollars dans la lutte contre le paludisme, contre la tuberculose, pour des programmes de prévention et de traitement du SIDA en Inde et en Afrique. Concernant le programme de l’OMS d’éradication de la poliomyélite, elle a accordé 355 millions de dollars à la Fondation de Rotary International PolioPlus, et 150 millions à l’UNICEF et à l’OMS dans le même domaine. La dotation actuelle de la fondation est de 35,2 milliards de dollars – le budget de l’OMS pour 2008-2009 était de 4,2 milliards de dollars.

Selon le palmarès des plus grandes fortunes du monde en 2008, Bill Gates était premier, avec 31 milliards d’euros, suivi par Warren Buffet, 29 milliards.

D’autres fondations américaines, moins ambitieuses que la Fondation Gates, s’intéressent également à la santé mondiale. La Fondation Rockefeller, fondée en 1913 par le magnat du pétrôle John D. Rockefeller, a organisé des campagnes dans de nombreux pays contre l’ankylostome, le paludisme et la fièvre jaune. Elle a contribué au développement d’un vaccin contre la fièvre jaune en 1937. Elle a dépensé plus de 25 millions de dollars pour développer des écoles de santé publique dans vingt et un pays. Elle a lancé une Initiative de réseau de surveillance des maladies en investissant plus de 20 millions de dollars pour renforcer les réseaux régionaux, ainsi qu’un programme de surveillance des maladies émergentes dans la région du Mékong. Sa dotation était de 4,7 milliards de dollars en 2007.

La Fondation Ford a été fondée en 1936 par une donation initiale d’Edsel Ford, dont le père Henry créa la Ford Motor Company. Les activités de la Fondation embrassent un vaste domaine – la paix mondiale, un ordre mondial de droit et de justice, liberté et démocratie, l’économie et l’éducation – ainsi que la recherche et des programmes de santé reproductive pour les adolescents. La Fondation a lancé, en 2006, une initiative de 45 millions de dollars sur cinq ans, basée sur vingt ans de partenariats locaux pour la prévention, le soutien et le traitement du SIDA. Ce programme mondial s’adresse en particulier aux ONGs. Les actifs de la Fondation se montaient 10,2 milliards de dollars en 2009. La Fondation Rotary, basée à Evanston (Chicago), centralise les cotisations des Rotariens du monde entier (1 200 000 dollars). Par son programme PolioPlus, elle a versé 633 millions à l’Initiative de l’OMS pour l’éradication de la poliomyélite depuis 1985. Les Rotariens, en plus de leurs cotisations, contribuent dans de nombreux pays aux campagnes de vaccination. Les actifs financiers de la Fondation Rotary et de Rotary International étaient d’environ 800 millions de dollars en 2008.

Des compagnies pharmaceutiques américaines ont également fait preuve de générosité dans le domaine de la santé publique : Merck & Co., Inc., a fait des donations d’ivermective pour les programmes de lutte contre l’onchocercose de l’OMS.

QUE FONT LES PHILANTHROPES FRANÇAIS ?

Des observateurs notent un renouveau de l’action philanthropique française, pourtant bien modeste par rapport aux chiffres américains, et peu intéressée par la santé publique, avec des exceptions.

Des Français ont créé Médecins du monde et Médecins sans frontières, de nombreux Français financent et/ou participent à des associations humanitaires nationales et internationales. Des industries pharmaceutiques françaises participent aux actions internationales de lutte contre les maladies contagieuses. Par exemple, en dix ans de partenariat en Afrique, Sanofi pasteur a fait don de 120 millions de doses de vaccin polio. La Fondation Bettencourt Schueller, créée en 1987 par Liliane Bettencourt et sa famille en souvenir de son père Eugène Schueller, fondateur de l’Oréal, intervient dans la recherche scientifique, la culture et les métiers d’art, mais également dans le domaine humanitaire concernant la lutte contre le SIDA. Ses capitaux se montaient à 120 millions d’euros en 2009. Les programmes de l’association François-Xavier Bagnoud (FXB International), créée en 1989 par Albina du Boisrouvray, tendent à réduire les conséquences du SIDA par un soutien aux orphelins et enfants vulnérables affectés par cette maladie dans le monde. Elle bénéficie du soutien de nombreux donateurs et partenaires. Son budget était de 9,6 millions de dollars pour 2009.

Plusieurs fondations nouvellement créées par des mécènes ne se consacrent qu’à l’art : Antoine de Galbert, du groupe Carrefour, Alain-Dominique Perrin, de Cartier, Bernard Arnault, de LVMH.

Mais pourquoi ces mécènes et d’autres patrons richissimes ne sont-ils pas des “Bill Gates” français ? Pourquoi ignorent-ils les immenses besoins sanitaires des populations des pays pauvres ? Pourquoi négligent-ils les causes humanitaires ?

QUELQUES RAISONS

En opposition avec la tradition philanthropique américaine de l’altruisme au profit de la communauté et de l’aide privée américaine pour des causes mondiales au profit des pays pauvres, on blâme l’étatisme français, l’Etat-providence qui néglige, soupçonne ou rejette les efforts privés de philanthropie ou de “charité” : le “public” doit tout faire, le “privé” ne doit pas s’occuper de santé ni d’éducation, le régime des associations souffre de lourdes procédures, le nombre de fondations en France est le plus faible d’Europe selon Pierre Buhler dans L’économie du don aux Etats-Unis et la philanthropie aux Etats-Unis et en France ? (IFRI, 2003).

Ce ne sont pas de bonnes raisons pour que les millionnaires et milliardaires français, les grands industriels et financiers français ne créent pas des fondations à dimensions internationales pour financer la lutte contre les maladies des populations des pays pauvres, sur les modèles américains ou français. Une nouvelle orientation dans ce sens serait bénéficiaire pour ces populations – elle serait également bonne pour leur propre réputation, et pour le prestige de la France, comme l’ont été la création des French Doctors et leur action humanitaire.

Yves Beigbeder, ancien fonctionnaire international

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