Awaiting the Next Financial Reform

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La première réforme de règles financières de l’après-crise est en voie d’être adoptée à Washington. Elle devrait tôt ou tard être suivie d’autres, notamment en Europe et à l’échelle internationale. Leur but, à défaut de pouvoir empêcher l’avènement de toute nouvelle crise financière, sera au moins d’éviter que la dernière ne se répète et que la prochaine ne cause autant de dégâts.

Il faudra compter cinq ou dix ans avant que l’on puisse tirer au clair la nature et les causes exactes d’une débâcle économique de la gravité de celle que la planète vient de vivre, disent des experts. Personne ne veut, évidemment, attendre aussi longtemps avant d’essayer de corriger des choses, même si le risque est grand de rater sa cible et même de reporter le problème ailleurs.

À Washington, on n’a même pas voulu attendre les conclusions de la commission d’enquête du Congrès chargée de faire la lumière sur la crise et dont le rapport est prévu pour la fin de l’année. On craignait, entre autres, que la capacité d’obstruction des banques ne croisse trop d’ici là*. On tenait aussi à avoir quelque chose de concret à montrer aux électeurs pour les élections de mi-mandat, cet automne.

Adoptée à la fin du mois dernier par la Chambre des représentants, au terme d’étourdissantes tractations, la réforme Dodd-Frank pourrait obtenir l’appui du Sénat et être promulguée par le président dès cette semaine. La brique de 2319 pages serait, selon Barack Obama, «la plus sévère réforme financière depuis celles adoptées dans la foulée de la Grande Dépression».

Jusqu’à présent, le projet de réforme semble s’attirer autant de critiques que de louanges, et ce, à droite comme à gauche. À défaut d’une révolution, tous y reconnaissent un effort de l’État de regagner un peu d’autorité sur les marchés financiers. Tous, cependant, font aussi remarquer qu’il reste pour le moment un simple canevas, souvent flou, et que sa traduction en mesures concrètes, laissée à une pléthore d’agences gouvernementales, pourrait prendre plusieurs mois, voire quelques années.

La Maison-Blanche voudrait qu’il serve d’exemple aux gouvernements des autres pays, mais certains en doutent. «En fait, la réforme Dodd-Frank est trop collée à la réalité particulière des États-Unis et trop incomplète pour servir de modèle aux autres», observait la revue britannique The Economist, il y a une dizaine de jours.

Pendant ce temps sur le reste de la planète

Il est vrai que, pendant ce temps, les pays européens n’avancent pas, ou alors à pas de tortue. Le seul projet commun de réforme à avoir été mené à terme jusqu’à maintenant a été bouclé la semaine dernière et portait seulement sur le mode de versement des bonus aux dirigeants d’institutions financières. Les rares fois que l’on bouge, c’est en ordre dispersé, comme ce beau jour de mai où Angela Merkel a pris tout le monde par surprise en annonçant l’interdiction de la vente de certains titres à découvert en Allemagne.

Ce quasi-immobilisme n’a rien à voir avec un quelconque souhait de laisser mûrir la réflexion sur des questions complexes, et tout à voir avec les habituels tiraillements entre pays de l’Union européenne. On y reconnaît notamment le désir du Royaume-Uni de protéger le fonds de commerce de la City de Londres, de la France de renforcer les institutions européennes, du gouvernement allemand de sauver sa peau aux prochaines élections et de tous les pays de préserver le maximum de souveraineté en la matière.

À la décharge des Européens, ils ne sont pas les seuls à avoir du mal à voir au-delà de leurs différences et à convenir d’outils communs pour remettre de l’ordre dans un secteur dont le terrain de jeu s’étend à la planète.

Les pays du G20 se sont, par exemple, engagés à relever les normes internationales sur la quantité et la qualité des actifs des banques afin de les rendre plus résistantes aux chocs. Ils sont toutefois encore bien loin d’être prêts à passer de ces belles paroles aux actes, tant chacun essaie comme il peut de réduire l’effort qui sera exigé de ses propres institutions financières. Le risque est grand que ce qu’on appellera un jour «les accords de Bâle III» ne soient rien de plus que leur plus bas dénominateur commun.

Mais supposons que tout va bien, que la réforme Dodd-Frank est adoptée comme prévu, que les Européens trouvent un terrain d’entente et que les pays du G20 tiennent parole. Est-ce que cela empêchera l’éclatement d’une nouvelle crise financière? N’y comptez pas, disent les économistes Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart dans leur fameux ouvrage décrivant huit siècles de crises financières et intitulé: This time is different. «Nous aurons d’autres crises financières. La question est seulement de savoir à quelle fréquence.»

D’accord. Dans ce cas, est-ce que les réformes en cours permettront au moins d’éviter une répétition de la crise que l’on vient de connaître, de réduire la gravité des autres qui suivront et d’améliorer l’efficacité de l’intervention des gouvernements? On l’espère. Mais ce n’est pas sûr. «On ne le saura malheureusement que lorsque éclatera la prochaine crise», a déclaré au New York Times l’un des deux parrains de la réforme américaine, le sénateur démocrate Christopher Dodd.

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* Le rapide retour de Wall Street à ses débauches salariales ainsi que de nouvelles révélations sur ses dérives passées ont toutefois plutôt eu tendance à attiser l’hostilité populaire à leur égard.

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