Obama veut contrer la Chine en mer
• L’Amérique tente de contrer les revendications maritimes de la Chine en aidant ses alliés dans la région.
En janvier 2009, après l’investiture d’Obama, le plus «asiatique» des présidents que l’histoire des États-Unis ait jamais connu, maints observateurs des think-tanks de Washington prédirent que la deuxième décennie du XXIe siècle serait stratégiquement dominée par un duopole, appelé Chinamerica. Reposant sur une conception strictement économique des rapports de forces mondiaux, cette vision est en train de voler en éclats, sous le coup des réalités géopolitiques en Asie. Pour l’Amérique, une chose est d’accepter la puissance économique et financière grandissante de la Chine – et donc de reconnaître la prééminence du G20 comme forum de discussion des questions planétaires et de favoriser l’accroissement du rôle de la Chine au sein du FMI -, une autre chose est de laisser à Pékin le leadership politique en Extrême-Orient. Dans cette région qui tire l’économie mondiale, les États-Unis disposent de solides alliés. Au cours du mois de juillet, l’Administration Obama a signifié, par différents messages, qu’elle ne comptait pas les laisser tomber.
Vieille alliée depuis les années 1950, la Corée du Sud a été victime, au mois de mars, d’une provocation militaire orchestrée par le régime stalinien de Corée du Nord, que les dirigeants chinois considèrent comme à moitié fou, mais qu’ils s’abstiennent de ramener à la raison, en dépit des considérables moyens de pression dont ils disposent. Comme l’a montré une enquête internationale, la marine de Kim Jong-il a torpillé dans les eaux internationales, le 26 mars 2010, une corvette sud-coréenne, provoquant la mort de 46 marins.
Au début de la dernière semaine du mois de juillet, les marines américaine et coréenne ont commencé un vaste exercice naval commun en mer du Japon (est de la péninsule coréenne), afin de faire passer un message de fermeté à Pyongyang. Le régime de Pyongyang poussa aussitôt des cris d’orfraie – menaçant notamment les «impérialistes» de représailles nucléaires -, que le département d’État prit avec sang-froid et indifférence. Les protestations chinoises, émises sur un ton bien sûr moins guerrier, furent en revanche considérées avec beaucoup plus de sérieux par la diplomatie américaine.
Lutte d’influence
À la demande des Coréens du Sud, soucieux dans un premier temps de ménager Pékin, l’exercice naval ne se déplaça pas en mer Jaune, à proximité des eaux territoriales chinoises. Mais la véhémence des déclarations publiques chinoises a provoqué un raidissement du Pentagone. La marine américaine a annoncé qu’elle procéderait «prochainement» à un deuxième exercice naval, cette fois dans les eaux internationales de la mer Jaune.
Depuis plusieurs mois, l’Administration Obama élabore une diplomatie sophistiquée, visant à stopper les prétentions hégémoniques chinoises sur les mers d’Asie du Sud-Est, où transite chaque année 50% du tonnage maritime mondial. Il n’est pas question, pour Washington, d’accepter la nouvelle rhétorique chinoise du «core interest» (intérêts vitaux) concernant ces eaux internationales. La mer Jaune ou la mer de Chine méridionale, ce ne sont pas le Tibet!
La secrétaire d’État américaine tint à assister personnellement, à Hanoï le 23 juillet dernier, au forum des pays de l’Asean (Association des Nations du Sud-est asiatique) consacré à la sécurité régionale. Devant une délégation vietnamienne ayant le plus grand mal à cacher sa satisfaction, Hillary Clinton récusa les prétentions d’aucune nation à s’attribuer un espace économique exclusif en mer de Chine, sous prétexte de contrôle militaire des atolls coralliens inhabités que sont les îlots Spratley et Paracel. En 1974, la Chine délogea les Sud-Vietnamiens des Paracel. En 1988, elle s’empara par la force de récifs dans l’archipel des Spratley, coulant les navires de transport venus en soutien d’une opération de débarquement vietnamienne. Cette minibataille navale entraîna trois années de rupture des relations diplomatiques entre les deux gouvernements communistes «frères» d’Asie du Sud-est. Outre les droits de pêche dans des eaux particulièrement poissonneuses, l’enjeu de cette espace maritime est le pétrole, qui fut découvert par des géologues américains en 1968.
Rendu furieux par le discours de Hillary Clinton, Yang Jiechi, le ministre chinois des Affaires étrangères, quitta la séance pendant une heure. À son retour, il prononça une allocution tonitruante, accusant les États-Unis de fomenter un complot antichinois, moquant le «socialisme» du Vietnam, et déclarant en regardant droit dans les yeux le ministre singapourien: «La Chine est un grand pays, d’autres pays sont des petits pays, et c’est un fait!»
Et mardi, le vice-ministre chinois de l’Information, Dong Yunhu, déclara au Figaro que les Américains n’avaient pas à se mêler des différends maritimes d’une région qui n’était pas la leur, à laquelle ils avaient naguère apporté la guerre, et que tous les problèmes seraient résolus pacifiquement «entre Asiatiques».
Dans les années 1930, les Japonais expliquaient déjà que l’homme blanc n’avait rien à faire en Asie, où ils avaient l’intention d’édifier, entre peuples indigènes, une «sphère de coprospérité». On sait où mena cette belle rhétorique…
Renaud Girard
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