The Tea Party Movement: An Image of American Society

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Le mouvement Tea Party, image de la société américaine

Source : La Tribune.fr – 28/10/2010 | 11:01 – 804 mots |

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Le mouvement Tea Party, image de la société américaine

Remettant au goût du jour le mouvement du “Tea Party”, qui avait abouti à l’indépendance des États-Unis, en 1776, les libertariens-conservateurs surfent sur la défiance qui monte à l’encontre de Barack Obama, et débordent le Parti républicain. Ils mettent en avant la liberté individuelle et l’aversion à toute intervention du gouvernement fédéral : ils s’opposent y compris aux politiques de relance, même au prix de faillites retentissantes.

“Quand le peuple craint son gouvernement, il y a tyrannie. Quand le gouvernement craint le peuple, il y a liberté”. Ces paroles attribuées à Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis ont fait mouche auprès des électeurs et ont permis à Christine O’Donnell de battre le notable Mike Castle et ses quarante ans de vie politique dans les primaires sénatoriales du Parti républicain dans le Delaware. Christine O’Donnell est membre de la nouvelle force montante, le Tea Party. Après sa victoire, elle déclare : “Notre mouvement est plus une cause qu’une campagne électorale.”

Le Tea Party reprend l’esprit d’insurrection prérévolutionnaire de l’Amérique contre le pouvoir anglais. C’est en 1773 que des colons déguisés en Indiens jettent à la mer, dans le port de Boston, 342 caisses de thé pour protester contre les taxes qui leur sont appliquées par la Couronne d’Angleterre. Cet épisode de la Tea Party est le point de départ de la révolution américaine qui mènera à la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776. Il s’avère que le mouvement du Tea Party remet sur le devant de la scène des valeurs fondamentales de la société américaine devenues inaudibles en pleine période de doute face à la crise financière, économique et sociale.

En effet, pour gagner l’élection présidentielle, Barack Obama a utilisé avec force et éloquence un discours fondé, dans la pure tradition démocrate, sur la valeur de l’égalité d’opportunité, la nécessité de l’intervention de l’État pour réguler les excès d’un capitalisme débridé et donner accès à l’assurance médicale pour des dizaines de millions d’Américains. Son immense charisme a permis de soulever les foules, de redonner de l’espoir à une Amérique déstabilisée par la faillite de la banque Lehman Brothers. Ses messages d’optimisme, du “tout est possible” étaient parfaitement en ligne avec l’éthique protestante de ce pays qui met à profit les difficultés pour mieux les surmonter et progresser.

Depuis les élections, les temps ont changé. Les libertariens du Tea Party, nouveaux conservateurs, ravivent d’autres valeurs fondamentales de la culture américaine. Leur mouvement insurrectionnel déborde le Parti républicain qui vise la reconquête de la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants lors des élections de novembre 2010. Ces valeurs fondamentales sont essentiellement au nombre de quatre. Tout d’abord, la liberté d’expression de citoyens défendant leur cause. Dans un pur esprit “bottom up”, ils se sont organisés en groupes de pression, en “grassroots” (littéralement “les racines de la pelouse”), utilisant le premier amendement de la Constitution. Celui-ci donne à tout citoyen le droit de pétition auprès du gouvernement pour redresser ses griefs.

Par opposition, le Parti républicain est vu comme une organisation intrinsèquement “top down”, un appareil donnant ses consignes pour organiser la campagne électorale contre les démocrates. Deuxièmement, la responsabilité individuelle. Cette valeur de “self reliance” (“ne compter que sur soi”) est fortement ancrée dans la société américaine et ce, depuis les premiers immigrants. Selon cette ligne, l’administration Obama est jugée comme extrêmement déresponsabilisante menant à une société d’assistés. Le gouvernement fédéral doit arrêter de s’immiscer dans la vie quotidienne des citoyens, doit laisser les États légiférer au plus près de leur population. Troisièmement, l’aversion au gouvernement fédéral, porteur de tous les maux. Comme le disait Thomas Paine en 1776, “le meilleur gouvernement est un mal nécessaire, le pire est un mal insupportable”. Les technocrates de Washington D.C. sont au coeur de leurs attaques, qu’il s’agisse de l’exécutif, du Congrès démocrate bien sûr, mais aussi de l’establishment républicain pas assez révolutionnaire à leur goût. Ils veulent réduire la taille du gouvernement qui doit se concentrer sur ses missions régaliennes (défense, justice…) et privatiser toutes les autres. Ils veulent une baisse des taxes, combattent les plans de relance utilisant l’argent public et refusent toute forme de redistribution financée par l’impôt ou les déficits. Quatrièmement, un marché ouvert et sans entraves. C’est la seule façon de permettre aux Américains d’exercer leur liberté individuelle d’entreprendre. Pour les activistes du Tea party, la sphère privée doit reprendre ses droits face à l’interventionnisme étatique. En 2009, de nombreux Américains étaient viscéralement opposés au sauvetage des grands groupes de l’automobile. Pour eux, l’entreprise privée ne devait pas être secourue par l’impôt des citoyens, même si des faillites en cascade chez les sous-traitants pouvaient mettre au chômage des centaines de milliers de travailleurs. Dans l’ensemble, et en remontant aussi loin que l’arrivée des premiers colons, les Américains croient fortement à l’initiative personnelle et à la libre entreprise comme moteur du développement.

À ce jour, de nombreux observateurs doutent de la capacité du Tea Party à devenir une véritable force politique dans la durée, d’autant plus que ce mouvement est entraîné par certains de ses membres vers des thèses ultraconservatrices. Néanmoins, il est clair que ce mouvement n’a pu prendre de l’élan que parce qu’il réconciliait de nombreux Américains avec des valeurs fondamentales à leur yeux : la responsabilité individuelle et la libre entreprise.

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