«Victime» de la crise
Deux ans après son élection triomphale et les espoirs qu’elle a nourris, alors même que son bilan est loin d’être négligeable, Barack Obama vient d’essuyer une défaite dont il est en partie – en partie seulement – responsable : malgré ses talents d’orateur et de « communiquant », lui qui promettait le changement n’est pas parvenu à convaincre les Américains que le changement était un ouvrage au long cours. à plusieurs reprises, il lui a manqué l’audace qui, au lendemain de son élection, semblait le caractériser. Aujourd’hui, sa parole ne porte plus, sans doute parce qu’elle est trop « intellectuelle » pour une opinion publique qui, toujours traumatisée par la crise, est redevenue très terre à terre. Voici les Américains à nouveau sensibles aux arguments les plus conservateurs, méfiants face aux élites, ils préfèrent l’action aux analyses, et attendaient des résultats concrets dans leur vie personnelle qui ne sont pas venus – ou, plus exactement, qui ont été différés par la crise.
Que Barack Obama ait voulu réformer l’assurance santé, qu’il ait imposé, presque contre tout le monde, une couverture médicale universelle en faveur des moins favorisés (ceux-là d’ailleurs ne courent pas vers les bureaux de vote) ; qu’il ait demandé des comptes aux institutions que sont les banques et les compagnies d’assurances ; qu’il ait effectivement sauvé les meubles d’une économie américaine au bord du gouffre avec les 787 milliards de dollars de son plan de relance – tout cela ne change rien pour l’Américain moyen, c’est-à-dire pour cette classe qui est allée voter en songeant que, décidément, avec ce Président « socialiste » – une injure ici – le chômage avait progressé plus qu’ailleurs, les impôts et les taxes aussi, sans compter toutes ces réglementations qui entravent la sacro-sainte « liberté » – un thème qu’on met volontiers à toutes les sauces.
Il faut dire qu’Obama, les deux mains dans la crise, a mesuré trop tard l’ampleur des attaques portées par une droite dont les arguments les plus populistes ont fait mouche.
Mais il a davantage perdu sur un « coup de colère » d’une partie de son électorat qui, sans lui être franchement hostile (une majorité d’Américains souhaite d’ailleurs qu’il se représente en 2012), fait payer à l’« establishment » les conséquences de la crise.
Ce réflexe n’est pas propre aux États-Unis et favorise toujours les oppositions qu’elles soient de droite ou de gauche : on l’a constaté dernièrement en Grande-Bretagne avec la victoire des conservateurs, et on l’entrevoit déjà dans des pays comme l’Espagne, l’Italie et la France où les responsables en place sont au plus mal. La crise frappe les peuples. Elle peut aussi, le plus démocratiquement du monde, frapper leurs dirigeants.
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