Donner du sang neuf aux relations entre les Etats-Unis et le reste du monde, voilà une des priorités du président Barack Obama et de la secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton. Par un travail acharné, ils renforcent les alliances existantes et en forgent de nouvelles afin de faire face aux défis communs, qu’il s’agisse de lutter contre le changement climatique, contre la menace posée par l’armement nucléaire, ou contre les maladies et la pauvreté dans le monde.
En ma qualité d’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en France, je suis fier de prendre part à cette mission. La France est le plus ancien allié des Etats-Unis, et la force, l’étendue et la profondeur des relations entre nos deux pays n’ont jamais été plus grandes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ensemble, nous travaillons sur tous les sujets majeurs de la scène internationale, de la paix au Moyen-Orient au terrorisme, de l’Afghanistan au désarmement nucléaire.
Bien sûr, même les alliances les plus solides connaissent des hauts et des bas. Nous le voyons ces jours ci, alors que des documents du département d’Etat des Etats-Unis, prétendument obtenus des serveurs informatiques du département américain de la défense, font l’objet de comptes rendus dans les médias. Il semble que ces documents concernent des opinions émises par nos diplomates sur les politiques, les négociations et les dirigeants de nombreux autres pays du monde, et qu’il s’agisse aussi de notes sur des conversations privées échangées avec des personnalités appartenant ou non à des gouvernements étrangers.
Je ne peux pas me porter garant de l’authenticité de tous ces documents. Mais ce que je peux dire, c’est que les Etats-Unis regrettent profondément la divulgation de toute information qui était destinée à rester confidentielle, et qu’ils condamnent cette action. Les diplomates doivent pouvoir mener des discussions franches avec leurs collègues, et doivent être assurés que ces discussions garderont leur nature privée. La franchise du dialogue au sein des gouvernements et entre les gouvernements est au cœur même des relations internationales; nous ne pourrions pas assurer la paix, la sécurité et la stabilité internationale sans un tel dialogue.
Je suis convaincu que tout ambassadeur de France dirait la même chose que moi. Lui aussi a besoin de savoir qu’il peut échanger en toute honnêteté avec ses homologues de par le monde, puis transmettre à son gouvernement son opinion franche sur les dirigeants, les politiques et les actions des autres pays.
TORTS CAUSÉS AUX RELATIONS ENTRE LES GOUVERNEMENTS
Je suis convaincu que les citoyens de bonne volonté reconnaîtront que les rapports internes écrits par les diplomates ne représentent pas à eux seuls la politique étrangère officielle d’une nation. Aux Etats-Unis, ils ne constituent qu’un des éléments parmi d’autres qui contribueront à forger nos politiques, lesquelles sont déterminées, en dernier lieu, par le président et par la secrétaire d’Etat. Ces politiques font l’objet d’archives, constituées de milliers de pages de discours, de déclarations, de rapports et d’autres documents que le département d’Etat américain met à disposition du public sur le Web et ailleurs.
Mais les torts causés aux relations entre les gouvernements ne sont pas le seul sujet de préoccupation dans cette affaire. Les diplomates américains ne rencontrent pas que des acteurs gouvernementaux; ils sont également amenés à rencontrer des militants des droits de l’homme, des journalistes, des dirigeants religieux et toutes sortes de personnes qui peuvent donner leur opinion franche sur telle ou telle situation. Ces échanges sont, eux aussi, fondés sur la confiance et sur la discrétion.
Si un militant engagé dans la lutte contre la corruption fait état d’informations concernant des malversations de la part de personnes haut placées, ou si un travailleur social apporte des preuves de violences sexuelles, le fait de révéler l’identité des coupables peut avoir de sérieuses conséquences : l’emprisonnement, la torture, voire, dans certains pays, la mort. Il n’est de l’intérêt de personne de révéler ce genre d’information.
Les animateurs du site Internet WikiLeaks prétendent posséder quelque 250 000 documents secrets, dont une grande partie a été communiquée aux médias. Quelles que soient leurs intentions en publiant ces documents, il est clair que cette divulgation suscite des risques bien réels pour des personnes bien réelles, et bien souvent justement pour des personnes qui ont consacré leur vie à protéger d’autres vies. Une action destinée à émettre une provocation contre les puissants pourra, au contraire, mettre en danger les personnes sans défense.
Nous soutenons et nous encourageons le débat d’idées sur les questions cruciales de politique publique. Mais diffuser des documents à la légère et sans considération pour les conséquences éventuelles n’est pas le bon moyen d’engager ce débat.
Charles Rivkin, ambassadeur des Etats-Unis en France
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