« Savez vous quel sera le seul pays, en 2011 à ne pas faire le moindre effort pour consolider son budget et réduire ses déficits ? », me demandant il y a quelques jours un haut fonctionnaire du Trésor avec candeur. « Les Etats-Unis ! ». En y réfléchissant un peu, je me dis, rétrospectivement, que cette question est loin d’être aussi perfide que je l’ai crû, au premier abord. La réalité est qu’à la fin 2011, les déficits publics américains devraient figurer au dessus des 10% du PIB, parmi les plus élevés au monde, bien au-dessus de la zone euro à qui l’on a fait tant de misères ces derniers mois. Pourquoi ? Parce que Barack Obama a décidé, en fin d’année dernière, de prolonger les baisses d’impôt décidées il y a dix ans par l’administration Bush, ce qui revient bon an mal an à réinjecter 350 milliards de dollars de recettes fiscales en moins dans l’économie en 2011.
Fondamentalement cette décision est la bonne pour l’économie mondiale même si elle démontre que les Etats-Unis sont incapables, au plan conjoncturel, de marcher sans béquilles budgétaires. Et même si elle ne résout rien à long terme, puisqu’elle se contente de repousser à 2012 la nécessité de faire de la consolidation budgétaire aux Etats-Unis.
Les marchés patienteront-ils jusque là ? J’ai longtemps crû que oui, tant la force du dollar permet à l’Oncle Sam de battre monnaie sans être attaqué. Mais je dois admettre que je suis désormais surpris, et pour tout dire inquiet, de la réaction des agences de notation, beaucoup plus sévères que je ne l’aurais crû sur les finances publiques américaines. Dès décembre, Moody’s appelait sans ambages l’administration Obama à donner des gages de bonne gestion budgétaire, faute de quoi elle pourrait mettre la note sous surveillance négative. Du côté de Standard and Poor’s, dont le responsable mondial de la notation John Chambers rappelait déjà en juillet dernier « qu’aucun AAA n’est éternel », le ton est tout aussi ferme. « La situation américaine s’est détériorée sur fond de cohabitation politique entre Républicains et Démocrates à la chambre des représentants et on peut très bien imaginer un blocage politique complet », a expliqué ce matin Jean-Michel Six, chef économiste Europe de l’Agence, devant l’association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Pour ce dernier, « toute l’attention des marchés est actuellement focalisée sur l’Europe mais on ne peut pas exclure un changement d’attitude en cours d’année, vers les Etats-Unis ».
Cette menace fait froid dans le dos. « Si le moindre doute se forme sur la soutenabilité de la dette américaine, nous entrerons dans un autre monde », résume ce haut fonctionnaire de Bercy. Sous entendu, la faillite des subprime, à côté, n’aura été qu’un doux amuse gueule. Et là, lorsqu’il m’a dit cela j’en étais convaincu : il ne plaisantait pas du tout
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