Pourquoi six meurtres et tant de haine en Arizona
La campagne de mi-mandat a mis en évidence l’extrême violence qui est le quotidien de l’Arizona, un Etat où l’immigration est un abcès purulent dont la gouverneur Républicaine Jan Brewer a fait une grenade dégoupillée en permanence. Les fameuses lois contre les immigrants incendient les esprits (dont les très faibles). Et l’inconstitutionnalité déclarée de certaines d’entre elles attisent les haines meurtrières. Dorénavant, contrairement à la Constitution américaine, la police peut interpeller toute personne qui lui paraît en situation illégale, alors qu’aux Etats-Unis on ne peut arrêter quiconque sans “cause probable”, comme l’a réaffirmé la Cour Suprême.
Bill Clinton au moment de l’anniversaire de l’attentat d’Oklahoma City avait mis en garde ses concitoyens contre l’avalanche verbale qui irriguait le pays.
Plusieurs députés et membres Démocrates du Congrès avaient fait état pendant la campagne de mi-mandat d’atteintes graves à leur existence et même de menaces de mort. Certains avaient trouvé un cercueil devant leur maison. Des Répblicains avaient parlé de paranoïa. Surtout, le discours enflammé des Tea Party, considérant le gouvernement comme un tyran, les élus comme des sodomites et les changements démographiques du pays comme une menace devant être combattue par les armes s’il le fallait (un des slogans régulièrement vus est que “l’arbre de la liberté doit être régulièrement arrosé du sang des tyran”), ont contribué à une atmosphère explosive. Les services de protection du président n’ont jamais reçu autant de menaces de mort à l’encontre de l’occupant de la Maison Blanche. Dans ce climat malsain, les leaders du GOP n’ont pas fait entendre la voix de la raison, mais ont cherché au contraire à surfer sur le mécontentement contre les institutions.
Le drame de Tucson est la mise en pratique des paroles de Sarah Palin. Elle avait affirmé ces derniers mois que certains élus trop à gauche se trouvaient “dans le viseur” et elle avait publié une liste de ceux qui se trouvaient dans ce viseur.
Gabrielle Giffords figurait sur cette liste. Curieusement, cette carte a disparu dans les minutes qui ont suivi l’assassinat de six personnes sur le parking du Safeway de l’Arizona. L’Arizona est un Etat qui se voit comme la ligne de front contre l’immigration. C’est aussi celui d’où est parti la reconquête de la Maison Blanche dans les années 60. C’est l’Etat de Barry Goldwater, le père des conservateurs actuels, bien avant Ronald Reagan. C’est aussi l’Etat de John McCain. Ce pourrait aussi bientôt être celui de la famille Palin, dont la fille a acheté récemment une résidence dans cet Etat.
Ce qui se passe aux Etats-Unis depuis l’élection de Barack Obama ressemble aux affrontements des années 60. Mais ce qui différencie les deux époques est l’arrivée d’Internet, de Twitter, des réseaux sociaux qui diffusent les idées et les mots d’ordres à la vitesse de la lumière. Et les hippies et beatniks des années 60 n’appelaient pas à autre chose qu’à des “sit-in” ou des manifestations pacifiques contre la guerre du Vietnam. Le Tea Party et ses complices appellent à la lutte armée et évoquent sans cesse la “tyrannie” de la Maison Blanche. Les balles de Tucson feront peut-être réfléchir ceux qui appellent au meurtre. A moins qu’elles ne soient que le début de la violence.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.