Le risque Tea Party
Guillaume Duval
Article Web – 14 avril 2011
Dans sa chronique pour Radio Nova, Guillaume Duval explique que les coupes budgétaires massives, exigées aux Etats-Unis par le Congrès républicain, constituent une menace pour la reprise économique mondiale.
Vendredi dernier l’administration Obama et les républicains majoritaires à la Chambre des représentants américains ont trouvé in extremis un accord pour éviter un « shut down », la fermeture de la plupart des administrations fédérales américaines. Ce n’est cependant que partie remise dans une guerre qui ne concerne pas que les Américains…
Oui. L’enjeu de cette bataille budgétaire interne aux Etats-Unis est énorme, non seulement pour les Américains mais aussi pour toute l’économie mondiale. De quoi s’agit-il ? Jusqu’en janvier dernier, la Chambre des représentants américaine était dominée par les démocrates mais, avant de se séparer, ils n’avaient pas réussi à voter un budget définitif pour l’année fiscale 2011 qui va du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011. Pour boucler l’année, il fallait donc que Barack Obama négocie avec la nouvelle majorité républicaine de la Chambre des représentants, dominée désormais par les extrémistes du Tea Party.
Les Tea party ont été élus sur la promesse de coupes budgétaires drastiques…
En effet, et c’est la raison pour laquelle la négociation a été très dure et incertaine jusqu’au bout. Au bout du compte un accord a été conclu avec des coupes budgétaires de 38 milliards de dollars, soit 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) américain. Mais ce n’est qu’une première étape et la prochaine bataille est déjà programmée : le Congrès américain autorise régulièrement l’Etat fédéral à s’endetter jusqu’à un seuil maximum. Or, le dernier seuil autorisé sera atteint le 16 mai prochain. Il faut donc que, d’ici là, Obama négocie de nouveau avec les républicains pour obtenir le droit de s’endetter davantage. Et les républicains ont prévenu qu’ils exigeront cette fois des coupes budgétaires beaucoup plus importantes…
D’accord, mais en quoi cette bagarre est-elle si importante, y compris pour nous ?
Parce que jusqu’ici, une des principales différences entre l’Europe et les Etats-Unis, était que, tant que le chômage restait élevé, les pouvoirs publics américains ne lésinaient pas pour soutenir l’activité et relancer la machine. Avec comme résultat que, jusqu’ici, les Américains se sont toujours remis plus rapidement des crises que les Européens. A la mi-2007, les ménages et les entreprises américains s’endettaient au rythme de 2 500 milliards de dollars en plus chaque année. A l’heure actuelle, leur endettement tourne autour de zéro et, compte tenu du niveau de la dette des ménages américains, cela devrait durer un moment. Autrement dit, il manque 2 500 milliards de dollars, 17 % du PIB, pour que la machine économique américaine tourne comme il y a quatre ans.
C’est énorme, mais pourtant l’économie américaine est repartie…
Oui, parce que jusqu’à maintenant l’Etat fédéral s’endettait à hauteur de 1 500 milliards de dollars, comblant une bonne partie de ce trou avec en complément le secours des injections massives de liquidités de la Réserve fédérale. S’il devait cesser de le faire dans des proportions significatives, l’activité aurait toutes les chances de rechuter aux Etats-Unis. Et comme les Chinois sont déjà au taquet et qu’on ne peut pas compter sur les Européens, empêtrés dans la crise de l’euro, cela voudrait dire que l’économie mondiale risque de rechuter elle aussi. Les Tea Party ne risquent pas seulement de mettre l’économie des Etats-Unis en danger mais bien celle du monde entier…
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