Une solution pour la notation
La chasse aux agences de notation a rouvert début août aux Etats-Unis. Les tirs se concentrent sur un volatile effronté, Standard & Poor’s, qui a osé affirmer une évidence -il n’est plus tout à fait sûr que le Trésor américain rembourse sa dette en temps et en heure. Le gendarme des marchés financiers, la SEC, a ouvert une enquête. Au Congrès, des élus réclament une nouvelle loi. La presse fait opportunément des révélations sur des investigations antérieures, portant sur la notation des produits structurés, qui ont été à l’origine de la crise financière de 2007-2008. C’est de loin le motif le plus sérieux pour sortir la carabine. Les agences ont eu alors des pratiques scandaleuses. Elles ont dévoyé leurs méthodes pour évaluer ces titres financiers, une évaluation qui leur a rapporté beaucoup d’argent. Et elles ont gagné encore plus d’argent en vendant des conseils aux fabricants de ces nouveaux produits… pour obtenir une meilleure notation. Début 2008, douze entreprises dans le monde avaient ainsi la meilleure note possible, le fameux AAA, tandis que 64.000 produits structurés en bénéficiaient !
Mais les agences de notation ont fait le ménage de ce côté-là. Et il serait injuste qu’elles soient le seul bouc émissaire de la crise. Car si elles en constituent indéniablement un maillon, c’est un maillon parmi d’autres.
Le vrai problème des agences de notation, c’est leur trop grande influence. Et cette influence ne vient pas d’elles, mais des régulateurs nationaux et internationaux, qui ont truffé leurs textes de références à leurs notes (tel produit financier, ou telle partie du bilan d’une institution financière, doit contenir au moins telle proportion de papier AAA). Aux Etats-Unis, la loi Dodd-Frank, votée l’été dernier, impose à toutes les agences publiques de régulation de supprimer ces références, y compris à la Banque centrale. Il est urgent que l’Union européenne prenne la même décision. Et il sera ensuite essentiel que les régulateurs publics accomplissent ce travail compliqué de ravaudage de leurs filets. Mais ça ne suffira pas, car le secteur privé a aussi souvent adopté de tels principes. La majorité des fonds de pension américains affichent par exemple des références explicites à la notation. Pour avancer, les régulateurs publics pourraient créer des plafonds au lieu des planchers. Poste par poste, les banquiers, les assureurs et les gérants de fonds auraient droit à un niveau maximal d’argent investi sur la seule foi des notations, par exemple de 10 %. Pour le reste, ils devraient être en mesure de prouver qu’ils ont déterminé leurs investissements à partir d’un travail réel et sérieux d’évaluation des risques. En quelque sorte, ils seraient obligés de revenir à leur coeur de métier. On pourra alors fermer la chasse aux agences. Et passer aux choses sérieuses.
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