The district of Karrada, early November, in central Baghdad. Two bombs exploded in the late afternoon near a barrage of special forces, killing four policemen and a civilian. Two hours later, traffic resumed and merchants reopened their shops. It’s almost a routine for Iraqis, who continue to suffer from daily violence in the form of explosions, armed robbery or kidnapping.
“What can we do?” asked Ali al Tamimi, general manager of a generator distributor, a “business” that is thriving in a country that still suffers from power shortages. “This is part of our daily routine, almost since the arrival of American troops in 2003.”
Less than two months before the troops’ departure, violence is making a spectacular return in the Iraqi capital. By mid-December, most of the 34,000 American troops still in Iraq will have left the country; a silent withdrawal, without fanfare, welcomed by Iraqis with a mixture of satisfaction and concern.
On Mutannabi Street, a secular meeting place of booksellers and intellectuals, the Shahbandar café, devastated by a bomb explosion in 2007, has reopened. “The Americans got rid of Saddam, but they brought the scourge of sectarianism,” said writer and frequent visitor, 57-year-old Nader J., a bit sarcastically.
“Their departure puts an end to more than eight years of occupation, but they are leaving us without repairing the damage they caused. Nothing is regulated in the conflict between the Shiite-dominated government and the Sunni minority, or in the territorial dispute between Kurds and Sunni Arabs. Even small and invisible, the U.S. presence had a deterrent effect.”
Religious Parties Dominate the Scene
On the walls, between the billows of hookah smoke, are black and white photos of pashas from the Ottoman Empire and of King Faisal II, the last king executed during the revolution of July 14, 1958 — memories of the past illustrating an almost golden age. “To be fair, the Iraqis’ trauma does not date back just to the start of the American invasion,” said Nader.
“It all started in the late 1970s with the terror of the Ba’ath Party and the mass graves. Then came the bloody war against Iran and the international sanctions that followed the invasion of Kuwait in 1991. The dictatorship of Saddam destroyed our social cohesion and integrity.”
“Today the religious parties dominate the scene, and Prime Minister Nouri al-Maliki gives his authoritarian tendencies free rein. The government has done everything it can to suppress Friday’s protests against corruption and inequality, which peaked on Feb. 25 in Tahrir Square.”
Viewed as a sign of intensification, a wave of fierce repression has hit Iraqi journalists. On Sept. 9, Hadi al-Mahdi, host of a popular radio show supported by the protest movement, was murdered by a stranger at his home. “We have as much fear as we did in the Saddam era,” said Ghada al-Amely, director of the newspaper Al-Mada, who is being sued for libel by the capital’s army.
At the end of October, Daniel Smith, an American freelance journalist and contributor to the International Crisis Group (ICG), was released after spending nearly four days in a detention center near Baghdad’s Al Muthana Airport, picked up by security forces in Tahrir Square at the end of the weekly demonstration against the government.
Fate of the “Sons of Iraq”?
Meanwhile, Nouri al-Maliki ordered the arrest of over 600 people — among them many army officers and police — accused of preparing a secret takeover. Dozens of Sunni officers were dismissed or retired on the grounds of having served in the repressive agency of Saddam Hussein, or of association with “terrorists.”
In response to this major campaign of arrests aimed exclusively at the Sunni community, the council of the Sunni province of Salahaddin, north of Baghdad, has declared its intention to become an autonomous region like its neighbor, Kurdistan. Other provinces could make the same request for concessions from the government.
Another source of tension concerns the fate, after the American retreat, of the “sons of Iraq,” the Sunni militiamen, former auxiliaries of the U.S. military against the insurgents. Approximately 50,000 of them continue to serve, despite irregularly paid salaries by the authorities, awaiting hypothetical reclassification by the administration.
Partisan Tensions
“The government fears the reformation of an alliance between former senior members of the Ba’ath Party and al-Qaida,” explained Ehssan al-Shemari, professor of political science at the University of Baghdad. “But this policy exacerbates partisan tensions and brings division within the security forces.”
The al-Qaida network in Iraq currently numbers between 800 and 1,000 members, among them Sunni Arabs coming from the North, West, and Central regions. “The Sunnis ruled the country for 80 years before letting the reins of the country fall to the Shiite majority in 2003, and they have still not accepted it," said Said Ali al-Zou Baidi, a retired Shiite officer.
“The sense of injustice and of marginalization drives them, if not to separatism, then at least to the idea of federalism on a denominational basis. Further, It is necessary to agree on fundamental issues, such as the distribution of oil revenues.”
En Irak, « les Américains nous laissent le fléau du confessionnalisme »
D’ici à la mi-décembre, la plupart des 34 000 militaires américains encore présents auront quitté l’Irak.
Les arrestations dans la communauté sunnite attisent les tensions confessionnelles et fragilisent l’unité du pays.
Quartier de Karrada, début novembre, au centre de Bagdad. Deux bombes ont explosé, en fin de journée, près d’un barrage des forces spéciales, tuant quatre policiers et un civil. Deux heures après, la circulation a repris son cours et les commerçants ont rouvert leurs boutiques. Presque une routine pour les Irakiens qui continuent à subir la violence au quotidien, sous forme d’explosions, d’attaques à main armée ou d’enlèvements.
« Que pouvons-nous y faire ? s’interroge Ali Al Tamimi, directeur général d’une entreprise de distribution de générateurs, un « business » florissant dans un pays qui souffre toujours de la pénurie d’électricité. Cela fait partie de notre existence quotidienne, presque depuis l’arrivée des troupes américaines en 2003. »
Moins de deux mois avant leur départ, la violence fait un retour spectaculaire dans la capitale irakienne. D’ici à la mi-décembre, la plupart des 34 000 militaires américains encore présents en Irak auront quitté le pays. Un retrait silencieux, sans tambour ni trompette, accueilli par les Irakiens avec un mélange de satisfaction et d’inquiétude.
Dans la rue Mutannabi, rendez-vous séculaire des libraires et des intellectuels, le café Shahbandar, dévasté par l’explosion d’une bombe en 2007, a rouvert ses portes. « Les Américains nous ont débarrassés de Saddam mais ils ont apporté le fléau du confessionnalisme, commente, un brin sarcastique, Nader J., 57 ans, écrivain et habitué des lieux.
Leur départ met fin à plus de huit ans d’occupation mais ils nous quittent sans avoir réparé les dommages qu’ils ont causés. Rien n’est réglé dans le conflit entre le gouvernement à majorité chiite et la minorité sunnite, ni dans le contentieux territorial entre Kurdes et Arabes sunnites. Même réduite et invisible, la présence américaine avait un effet dissuasif. »
LES PARTIS RELIGIEUX DOMINENT LA SCÈNE
Sur les murs, entre les volutes de fumée des narguilés, des photos en noir et blanc des pachas de l’époque ottomane et du roi Faysal II, le dernier roi exécuté par la révolution du 14 juillet 1958, souvenirs d’un passé révolu qui ferait presque figure d’age d’or. « Pour être juste, le traumatisme irakien ne date pas de l’invasion américaine, ajoute Nader.
Tout a commencé à la fin des années 1970, avec la terreur du parti Baas et les charniers, puis la guerre meurtrière contre l’Iran et les sanctions internationales qui ont suivi l’invasion du Koweït en 1991. La dictature de Saddam a détruit notre cohésion sociale et notre intégrité.
Aujourd’hui, les partis religieux dominent la scène et le premier ministre Nouri Al Maliki laisse libre cours à ses tendances autoritaires. Le gouvernement a tout fait pour étouffer les manifestations du vendredi contre la corruption et les inégalités qui avaient culminé le 25 février dernier sur la place Tahrir. »
Signe de ce durcissement, une vague de répression féroce s’est abattue sur les journalistes irakiens. Le 9 septembre, Hadi Al Mahdi, animateur d’une émission de radio très suivie et supporteur du mouvement de protestation, a été assassiné par un inconnu à son domicile. « Nous avons aussi peur qu’à l’époque de Saddam », lâche Ghada Al Amely, directrice du journal Al-Mada, poursuivie pour diffamation par le commandement militaire de la capitale.
Fin octobre, Daniel Smith, un journaliste free lance américain, collaborateur de l’organisation International Crisis Group (ICG), a été remis en liberté après avoir passé près de quatre jours dans un centre de détention, à proximité de l’aéroport Al-Muthana, embarqué par les forces de sécurité sur la place Tahrir, à l’issue de la manifestation hebdomadaire contre le gouvernement.
QUEL SORT POUR LES « FILS DE L’IRAK » ?
Au même moment, Nouri Al Maliki ordonnait l’arrestation de plus de 600 personnes – parmi lesquelles de nombreux officiers de l’armée et de la police – accusées de préparer un mystérieux coup d’État. Des douzaines d’officiers sunnites ont été renvoyées ou mis à la retraite, sous prétexte d’avoir servi dans l’appareil répressif de Saddam Hussein ou d’association avec les « terroristes ».
En réaction à cette vaste campagne d’arrestations, visant exclusivement la communauté sunnite, le conseil de la province sunnite de Salaheddine, au nord de Bagdad, a déclaré son intention de devenir une région autonome, à l’instar du Kurdistan voisin. D’autres provinces pourraient faire des demandes identiques pour obtenir des concessions du gouvernement.
Autre source de tension, le sort réservé, après le retrait américain, aux « fils de l’Irak », les miliciens sunnites, anciens supplétifs de l’armée américaine contre les insurgés. Environ 50 000 d’entre eux continuent à servir, contre un salaire versé irrégulièrement par les autorités, en attendant leur hypothétique reclassement dans l’administration.
DES TENSIONS CONFESSIONNELLES
« Le gouvernement redoute la re-formation d’une alliance entre les ex-cadres du parti Baas et Al-Qaida, explique Ehssan al-Shemari, professeur de science politique à l’université de Bagdad. Mais cette politique exacerbe les tensions confessionnelles et sème la division dans les forces de sécurité. »
Le réseau Al-Qaida en Irak compterait aujourd’hui entre 800 et 1 000 membres, des Irakiens arabes sunnites, originaires du nord, de l’ouest et du centre du pays. « Les sunnites ont gouverné le pays pendant 80 ans avant de laisser les rênes du pays à la majorité chiite en 2003 et ils ne l’ont toujours pas accepté » analyse Said Ali Al-Zou Baidi, un officier chiite à la retraite.
« Le sentiment d’injustice et de marginalisation les pousse sinon au séparatisme, du moins à l’idée d’un fédéralisme sur une base confessionnelle. Encore faudrait-il s’entendre sur des questions fondamentales comme la répartition des revenus du pétrole. »
François d’Alançon, à Bagdad
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