Obama consent à déjeuner avec les Européens! (mais pas à répondre aux questions)
Surtout ne dites pas à l’entourage d’Obama que le président américain et ses conseillers se fichent de l’Europe : ils ont déjà entendu l’argument un bon nombre de fois et leur réponse est toute prête (« le président a parlé en long et en large de l’importance que nous accordons à notre partenariat avec l’Europe », nous a rappelé Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche, auprès de qui nous déplorions que les Américains n’aient pas prévu le moindre briefing avant le sommet Union européenne/Etats-Unis de ce lundi à la Maison Blanche). Mieux, en gage de sa bonne volonté, Barack Obama a prévu cette fois-ci de déjeuner avec José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy, le président de la Commission européenne et celui du Conseil européen qui lui rendront visite à la Maison Blanche. Les diplomates européens, qui n’ont pas grand-chose d’autre à se mettre sous la dent, célèbrent ce déjeuner comme une avancée de la relation transatlantique : lors des précédents sommets UE-US, Barack Obama avait pris l’habitude de laisser ses hôtes européens déjeuner avec Joe Biden, le vice-président.
En théorie, l’administration américaine est d’ailleurs favorable à une Europe « plus intégrée », qui sortirait au plus vite de la crise de l’euro, et serait un interlocuteur un peu moins compliqué. En pratique, comme la préparation de ce sommet l’a encore montré, la même administration américaine fait tout ce qu’elle peut pour expédier ces rencontres au plus vite et s’assurer que personne ne s’y intéresse trop (voir aussi le précédent de Lisbonne, évoqué ici et ici). Cette fois-ci, non seulement la Maison Blanche a refusé d’organiser un briefing à l’avance (comme cela se fait d’ordinaire pour toutes sortes d’événements, non-événements ou questions d’actualité) pour expliquer ce qu’elle attend de cette rencontre, mais elle s’est aussi « battue» (la résistance n’a pas dû être énorme) pour que la conférence de presse prévue à l’issue du sommet… n’en soit pas une. Les conseillers d’Obama sont allés ressortir la vidéo du précédent sommet de novembre 2010, pour convaincre les diplomates européens qu’à Lisbonne déjà, les journalistes n’ont pas eu la possibilité de poser de questions, et que donc on fera de même cette année à Washington : à l’issue de la rencontre de ce lundi, Obama, Barroso et Van Rompuy pourront réciter chacun leur petit laïus, sans que les journalistes n’aient le droit de poser la moindre question (un méchant symbole tout de même pour le sommet des deux grandes puissances “démocratiques” mondiales).
« Toute une série d’événements, la crise de l’euro, l’intervention en Libye ou le printemps arabe l’ont un peu masqué mais c’est bien un problème de fond : l’Europe ne compte pas beaucoup aux Etats-Unis en ce moment, relève aussi Justin Vaisse, analyste à la Brookings. C’est vrai que les Américains ne font que le strict minimum à ces sommets, mais il est difficile aussi de leur demander de prendre les institutions européennes plus au sérieux… que les Européens ne le font eux-mêmes. »
Ceci dit, on peut compter évidemment sur nos diplomates pour annoncer quelques « résultats » à l’issue des deux heures ce lundi à la Maison Blanche : le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht et le représentant américain Ron Kirk devraient être chargés d’explorer des pistes de soutien à la croissance et l’emploi… Les deux côtés se féliciteront aussi d’avoir récemment conclu l’accord PNR, sur l’archivage des données des voyageurs aériens (en France, peu de gens s’en soucient, mais en Allemagne ou aux Pays-Bas, on doute encore que les Européens aient suffisamment défendu leurs points de vue, comme on peut lire ici). Américains et Européens ont aussi convenu de ne pas trop parler ce lundi d’un de leurs conflits les plus croquignolets du jour, sur les quotas d’émission de carbone en Europe. La Chambre américaine des représentants vient de voter une loi interdisant aux compagnies aériennes américaines de respecter les nouvelles règles européennes censées entrer en vigueur au 1er janvier 2012. L’administration Obama a fait savoir aux diplomates européens que le problème relève du Congrès… et leur laisse donc le soin d’aller plaider leur cause au Sénat, s’ils veulent empêcher qu’une loi similaire ne soit votée. Contrairement à ce que voudront faire croire ce lundi les dirigeants américains et européens, il y a bien des différends importants aujourd’hui entre les deux rives de l’Atlantique, qui mériteraient discussions plus amples, et plus ouvertes.
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