Le président américain et ses hôtes européens Herman Van Rompuy, Manuel Barroso et Cathy Ashton ont entonné ce lundi à Washington un éloge vibrant de la relation américano-européenne. “Meilleurs alliés, meilleurs amis, meilleurs clients”, a résumé l’ambassadeur de l’Union européenne à Washington, Joao Vale de Almeida, lors d’un briefing tenu devant la presse internationale avec son homologue américain William Kennard, insistant, sur “la qualité”, la profondeur et la centralité du lien transatlantique.
Mais si Barack Obama a “fait savoir que les Etats-Unis se tiennent prêts à faire leur part” pour aider leur premier partenaire économique et politique à résoudre la tempête financière qui menace la zone euro d’explosion, Kennard s’est empressé de préciser que cette bonne volonté ne déboucherait nullement sur le déblocage d’une contribution financière.
Ce que les Américains sont prêts à fournir, forts de leur traversée de la tempête de 2008, ce sont des “conseils”, vu “l’enjeu énorme” que représente l’avenir de la zone euro pour l’économie américaine et le reste du monde. Mais pas question d”exposer publiquement ces avis. “Notre position est qu’il ne serait pas avisé de divulguer publiquement les détails de notre position” dans le contexte actuel, a expliqué Kennard. Les Américains s’en tiennent donc aux formulations assez vagues qu’ils n’ont eu de cesse de répéter depuis le début de la crise. Le président Obama souhaite des actions “plus audacieuses, plus rapides et plus décisives”, ajoute Kennard. Lors de son briefing du jour, le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney a rappelé “qu’il est très important pour l’Europe d’agir avec force et détermination dès maintenant”.
Si les Américains se gardent d’être trop spécifiques, me confie un diplomate, c’est qu’ils ne se sentent pas d’attaque pour donner des leçons à l’Europe, alors qu’ils sont eux-mêmes embourbés dans une crise budgétaire et politique majeure, qui freine la reprise et la création d’emplois. “L’orgueil européen est à fleur de peau et ils savent qu’ils auront beaucoup plus d’impact avec un profil humble”, dit cette source.
Les Américains souhaiteraient-ils voir l’Allemagne faire fi de sa sage prudence pour aller plus vite et s’en remettre à l’action de la banque centrale européenne, comme le prônent les autres pays européens? Préfèreraient-ils que Berlin mette en sourdine sa position de principe sur la nécessité de changements limités des traités afin d’y graver plus de discipline budgétaire et des mécanismes de sanction plus contraignants? Sans doute, même si leur agacement reste discret.
Leur position paraît pour l’instant essentiellement dictée par la peur d’une catastrophe à court terme, qui viendrait replonger dans l’abîme une économie américaine et mondiale chancelante. En dehors des analyses pessimistes de maints journalistes et experts, qui commencent à envisager une fragmentation de la zone euro, voire une fin de parcours pour la monnaie unique, nul à Washington ne semble vraiment pressé de se poser la question du type d’Europe – fédérale ou non? – dont les Etats-Unis auraient besoin à long terme. L’heure est aux pompiers et aux colmatages, pas aux grandes visions, dont Washington se méfie par principe. ce n’est pas une très bonne nouvelle.
Il est vrai que l’Amérique est en campagne. Elle consacrait ce soir infiniment plus de place aux aventures sexuelles du candidat républicain Herman Cain qu’aux malheurs de l’Union européenne. Vue à travers la lorgnette électorale, et notamment républicaine, l’Europe est surtout perçue comme un risque. Comme une nuisance plutôt qu’une puissance. Comme un contre-modèle aussi. Avec les grandes manoeuvres en cours dans les coulisses franco-allemandes, les prochains jours seront cruciaux pour infirmer ou confirmer ce sentiment peu flatteur.
Le contraste est de ce point de vue frappant avec l’Asie, où le président Obama a tout récemment orchestré pendant plus d’une semaine une marche triomphale, et où son administration voit très clairement se déplacer le centre de gravité stratégique du monde.
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