Mauvaise fin pour une mauvaise guerre
Editorial 21.12.11
Près de neuf ans après son déclenchement, l’intervention américaine en Irak a pris fin cette semaine. Cette guerre a été un désastre.
Les derniers soldats à quitter l’Irak, les 500 hommes de la 1re division de cavalerie de la 3e brigade des forces spéciales, laissent un pays en piètre état. Il faudra des années avant que l’Irak retrouve la voie de la stabilité. Et sans doute beaucoup plus encore pour que l’image des Etats-Unis soit véritablement restaurée dans la région.
Personne ne regrettera Saddam Hussein, l’un des tyrans les plus sanguinaires du Proche-Orient. L’homme que l’intervention américaine chasse du pouvoir en 2003 est responsable de la mort de centaines de milliers d’Irakiens, plongés par sa faute dans des années de guerres civiles et étrangères. On retrouve, ici et là, en Irak, des fosses communes de plusieurs dizaines de milliers de cadavres, des charniers laissés par les années de plomb de l’ère Saddam.
Mais les Irakiens ne se sont pas libérés eux-mêmes de cette tyrannie. Les Etats-Unis ne les ont pas associés à leur intervention. Il n’y a pas de “brigades d’Irakiens libres” pour accompagner les troupes américaines quand elles entrent dans Bagdad en avril 2003. C’est une force étrangère qui envahit le pays et ce sont des proconsuls américains bunkérisés qui vont le gouverner ensuite. L’Irak a été privé d’une partie de son histoire.
Tout est faux depuis le début dans cette tragédie. Les motifs invoqués par George W. Bush pour se lancer dans l’aventure : l’Irak n’avait rien à voir ni avec Al-Qaida ni avec les attentats du 11 septembre 2001 ; le régime, exsangue après des années d’embargo, n’entretenait aucun arsenal d’armes de destruction massive. Folle aussi, cette prétention prométhéenne que l’Amérique pouvait exporter dans ses Humvee la démocratie jeffersonienne sur les bords du Tigre.
La guerre de Bush a provoqué la mort de quelque 100 000 Irakiens et de 4 500 soldats américains. L’Irak s’est un peu démocratisé, il est plus libre. Mais il est plus divisé que jamais entre ses trois composantes ethnico-religieuses. Il est gouverné par un parti pro-iranien issu de la majorité arabe chiite, qui marginalise la minorité sunnite, cependant que les Kurdes du pays vivent en quasi-indépendance. La violence est endémique. Un Irakien sur quatre vit dans la misère. La classe moyenne a fui à l’étranger. Le statut des femmes a régressé. La production pétrolière n’a pas retrouvé son niveau d’avant-guerre.
La guerre a coûté 750 milliards de dollars aux Etats-Unis. M. Bush n’a pas voulu lafinancer par un impôt spécial. Il a creusé un peu plus la dette des Etats-Unis. Il a provoqué une déstabilisation des finances publiques américaines qui n’est pas étrangère à la crise de 2008.
Enfin, cette guerre a été conduite en prélevant les ressources nécessaires à l’engagement en Afghanistan. Elle est ainsi largement responsable de l’impasse dans cet autre conflit.
Quel immense gâchis.
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