La discrétion qui a accompagné le départ du sol irakien des derniers soldats américains, dimanche 18 décembre, après huit ans et demi de présence, en dit long sur la volonté des Etats-Unis de tourner la page après leur plus grand fiasco des trente dernières années sur la scène internationale.
Rarement, en effet, grande puissance se sera autant fourvoyée dans un conflit décidé à froid, dans lequel elle devait perdre une part considérable de son crédit.
Le 17 mars 2003, dans une allocution à la nation américaine, le président des Etats-Unis, George Bush, justifiait ainsi l’invasion de l’Irak qu’il était sur le point de déclencher : “Les renseignements que notre gouvernement et d’autres ont recueillis ne laissent aucun doute sur le fait que le régime irakien continue de posséder et de dissimuler certaines des armes les plus mortelles qui aient jamais été mises au point. (…) Il a aussi aidé, formé et abrité des terroristes, y compris des agents d’Al-Qaida.”
L’histoire montra par la suite que le régime dictatorial de Saddam Hussein, affaibli par sa défaite lors de la guerre du Koweit, en 1991, et soumis à de nombreuses sanctions internationales, ne disposait plus d’armes de destruction massive, et que c’est au contraire à la faveur du chaos provoqué par le démantèlement des infrastructures étatiques qu’Al-Qaida a pu trouver sur le sol irakien un terrain propice à la guerre confessionnelle à outrance. Aux mensonges américains sur les armes irakiennes vint ensuite s’ajouter le discrédit moral engendré par la révélation des sévices endurés par les prisonniers irakiens dans la prison d’Abou Ghraib, contrôlée par les Américains, dont les images ont provoqué l’indignation du monde entier. Ce discrédit prit l’apparence d’une faillite totale à mesure qu’apparaissait au grand jour l’incapacité américaine à remettre sur pied un pays dont le sol renferme pourtant des gisements pétroliers considérables.
A l’heure de ce retrait sans gloire, le bilan géostratégique de cette guerre idéologique est plus calamiteux encore : le renversement de Saddam Hussein, condamné à mort et exécuté le 30 décembre 2006, a ravivé les ambitions régionales de la République islamique d’Iran, soudain débarrassée de son pire ennemi et, par la même occasion, d’un verrou historique à l’ouest, alors que Téhéran devenait entre-temps le principal adversaire des Etats-Unis au Proche Orient.
TRENTE ANNÉES INFERNALES
Reste aujourd’hui un pays morcelé entre ethnies et confessions, toujours en proie à de violentes tensions interreligieuses. Un pays devenu le théâtre de l’affrontement indirect des ambitions concurrentes de ses principaux voisins, qu’il s’agisse de l’Iran, mais également de la Turquie et de l’Arabie saoudite.
Un pays qui aura expérimenté au cours de ces trente dernières années un long conflit meurtrier avec son voisin iranien (1980-1988), une guerre aérienne dévastatrice à la suite de l’invasion du Koweït en août 1990 (janvier-février 1991), un interminable embargo international, de 1991 à 2003, qui épuisa une population déjà éprouvée, sans fragiliser outre mesure le régime, avant que ne commence une occupation américaine chaotique de plus de huit ans qui provoqua le départ d’une bonne partie de ce qu’il restait des élites.
On aimerait espérer que ces années infernales pour les Irakiens puissent appartenir définitivement au passé.
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