Where Do Conspiracy Theories Come From?

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Comment naissent les théories du complot ?

Barack Obama est un (rayez les mentions inutiles) communiste / assassin / extraterrestre. Les tours du Wall Trade Center n’ont pas été visées par un attentat le 11 septembre. Le vaccin contre la polio a été conçu pour provoquer la stérilité. Mohammed Merah était manipulé par des services sercret. Rares sont les évènements qui ne donnent pas lieu à une, dix, cent théories du complot ; plus l’évènement est important, plus les chances qu’il donne lieu à des théories du complot augmentent. La fusillade à l’école de Newtown aux Etats-Unis, qui a provoqué une vaste émotion à l’échelle planétaire, a très rapidement vu se multiplier des thèses évoquant un vaste complot qui pourrait expliquer pourquoi un adolescent a subitement décidé de tuer des enfants.

La “naissance” de ces théories du complot répond, sinon à des règles immuables, à des critères que l’on retrouve régulièrement. Le “complot” ainsi théorisé fournit une explication perçue comme “rationnelle” face à des évènements qui nous dépassent sur le plan émotionnel : dans le cas de Newtown, ils fournissent une explication au massacre d’enfants, à des faits difficilement explicables ou compréhensibles.

Plusieurs des premières théories complotistes apparues après le massacre se basaient sur l’adage “à qui profite le crime”, et la réponse était simple : Barack Obama, qui en tirerait un gain politique. Comme dans la quasi-totalité des cas, cette théorie s’appuie sur des éléments “factuels”, entre lesquels elle établit des liens de causalité qui n’existent pas réellement. Elle se base notamment sur une lettre ouverte de la National Rifle Association (NRA), le lobby des armes à feu aux Etats-Unis, publiée durant la campagne présidentielle, dans laquelle l’association affirmait que si Barack Obama était réélu, il “confisquerait les armes à feu des Américains” et imposerait une “interdiction des armes semi-automatiques”. Une théorie fortement relayée, jusqu’après le massacre de Newtown, par la presse conservatrice, Fox News donnant par exemple largement la parole à plusieurs personnalités accusant le président de vouloir secrètement interdire le port d’armes.

Pour les tenants du complot, Barack Obama avait donc tout intérêt à orchester un massacre qui choquerait l’opinion pour avoir un prétexte lui permettant de mettre en oeuvre son “plan secret” – le programme de campagne du président ne prévoyait rien de la sorte. De fait, les propositions faites par Barack Obama après la tragédie sont restées nettement plus timorées : le président américain a simplement remis au goût du jour une interdiction de posséder des fusils d’assaut – une mesure qui avait déjà été en vigueur sous Bill Clinton.

La théorie d’un complot étatique expliquant un évènement tragique est un grand classique : une théorie très proche avait déjà circulé lors du précédent massacre ayant touché les Etats-Unis, lorsque douze personnes avaient été abattues dans un cinéma à Aurora, Colorado, en pleine campagne électorale.

Autre conspiration, autre responsable présumé : peu après le massacre, un blogueur libertarien publie une vidéo dans laquelle il affirme que le tueur présumé et son père devaient tous deux témoigner devant une commission d’enquête concernant le scandale financier Libor.

En quelques heures, la vidéo se diffuse à grande vitesse. Une autre “information” contenue dans la vidéo est diffusée par des sites d’extrême-gauche et d’extrême-droite : le père du tueur d’Aurora devait lui aussi témoigner devant la même commission d’enquête. Ces informations sont totalement fausses, mais la vidéo à l’origine de cette théorie a été vue 150 000 fois sur YouTube.

Ces deux théories très différentes – parmi des dizaines d’autres – qui sont apparues sur la fusillade de Newtown suivent un même schéma : elles partent de faits établis – une fusillade, des discours politiques – auxquelles elles raccrochent des éléments inventés ou déformés – et suggèrent, sans jamais les prouver, des liens entre des personnes et des évènements.

Est-ce une coïncidence ? Nous ne le pensons pas.

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