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Posted on February 20, 2012.
En ces temps de primaires républicaines aux Etats-Unis, la pêche à l’électorat ultra-conservateur est ouverte. Et cela passe notamment par une guérilla teintée de motifs religieux contre la science et ceux qui la font. Même si les médias n’en parlent guère, le mouvement le plus important est le grand retour du créationnisme d’Etat. En ce début d’année 2012, pas moins de six projets de loi sont en cours d’examen dans quatre Etats (Indiana, Missouri, New Hampshire et Oklahoma), visant à proposer aux élèves des écoles publiques une vision alternative à l’évolution darwinienne. Pour se justifier, certains des promoteurs de ces textes n’y vont pas avec le dos de la cuiller. Ainsi, dans le New Hampshire, le Républicain Jerry Bergevin a-t-il justifié son initiative en déclarant : “Je veux que soit présenté le portrait complet de l’évolution et des gens qui ont eu ces idées. C’est une vision du monde et elle est sans dieu. L’athéisme a été essayé dans divers pays, et ces sociétés ont été vraiment criminelles chez elles et à l’étranger. L’Union soviétique, Cuba, les nazis, la Chine aujourd’hui : ils ne respectent pas les droits de l’homme.” “Nous devrions nous inquiéter de pareilles idées criminelles et de la manière dont nous les enseignons… Vous vous souvenez de Columbine, a-t-il ajouté en référence à la tuerie du lycée de Columbine (Colorado, 1999) au cours de laquelle deux jeunes hommes avaient tué treize personnes avant de se suicider ? Ces gens-là croyaient à l’évolution.”
Tous les adversaires de l’évolution ne déploient pas, loin de là, des arguments aussi primaires, d’autant que, depuis une décision de la Cour suprême de 1987, il est anticonstitutionnel d’enseigner le créationnisme, considéré comme une vue religieuse. Pour contourner cet obstacle, Josh Brecheen, élu républicain de l’Oklahoma qui veut combattre “la religion de l’évolution”, précise bien, dans le projet de loi qu’il a présenté dans son Etat, qu’il ne demande pas que le créationnisme (ou son avatar, l'”intelligent design”) débarque dans les programmes scolaires. Son approche est plus subtile. Expliquant qu’il faut encourager “la réflexion critique, l’analyse logique et la discussion objective dans l’éducation”, son texte vise innocemment, à “promouvoir un environnement de réflexion critique dans les écoles, incluant une critique scientifique de la théorie de l’évolution”…
On pourrait croire qu’il ne s’agit là que d’une nouvelle vague créationniste, comme il y en a eu de nombreuses depuis le fameux “procès du singe”, en 1925, au cours duquel un enseignant, John Scopes, fut condamné pour avoir enseigné à ses élèves les grandes idées de l’évolution. En réalité, l’offensive actuelle dépasse la simple guéguerre contre Darwin. En effet, dans le projet de loi de Josh Brecheen, on peut lire que la “réflexion critique” dans les écoles vise “des théories scientifiques incluant, mais sans s’y limiter, l’évolution, l’origine de la vie, le réchauffement climatique et le clonage humain.”
Ce n’est sans doute pas une grande surprise pour les climatologues que de voir la “traduction scolaire” de leur recherches prise pour cible par les “ultras” républicains. Il y a une certaine logique à ce que le négationnisme scientifique, qui fleurit de plus en plus ouvertement dans les rangs de la droite chrétienne, s’en prenne à d’autres domaines que l’évolution. Le phénomène gagne en ampleur comme on l’a vu avec la sortie anti-vaccination de l’ex-candidate à l’investiture républicaine Michele Bachmann il y a quelques mois, ou bien à travers les attaques incessantes contre les climatologues depuis le pseudo-Climategate de 2009. La dernière attaque en date est le fait d’un candidat toujours en lice, Rick Santorum, qui a déclaré début février que le réchauffement climatique était “un canular”. Invité à un colloque sur l’énergie, Santorum, qui est un farouche partisan des énergies fossiles, a ainsi expliqué sa position : “En tant que créatures de Dieu, nous avons été mis sur cette Terre pour exercer notre domination sur elle, pour l’utiliser et la gérer avec sagesse, mais à notre bénéfice, pas à celui de la Terre.”
L’ancien sénateur de Pennsylvanie a continué en affirmant que les travaux sur le changement climatique étaient “une parodie absolue de recherche scientifique, qui a été poussée par ceux qui, dans mon opinion, l’ont vue comme une occasion de créer une panique et pour le gouvernement la possibilité d’intervenir dans votre vie voire de la contrôler. (…) Pour ma part, je n’ai jamais cru à ce canular. Pour ma part, je comprends de la science qu’il y a cent facteurs qui influencent le climat. Suggérer qu’un facteur mineur dans lequel la part de l’homme n’est elle-même qu’un facteur mineur (les émissions humaines de gaz à effet de serre, NDLR) soit l’ingrédient déterminant qui provoque tout le mécanisme de réchauffement et de refroidissement climatiques est juste manifestement absurde.”
Le passage du créationnisme à un négationnisme plus large de la science agrégeant, entre autres, les climatosceptiques (et leur lobbies) traduit deux choses : tout d’abord une méfiance croissante envers le monde de la recherche, dont les avancées entraînent un bouleversement de la vision du monde traditionnelle de la droite chrétienne américaine ; puis, à travers ces projets de loi sur l’éducation, un travail de sape de l’enseignement public, soit pour l’obliger à intégrer une vision religieuse du monde en général et des questions scientifiques en particulier, soit pour le “détricoter” en faveur du privé. C’est ce qu’explique la journaliste américaine Katherine Stewart (auteur d’un livre consacré à la bataille menée par la droite fondamentaliste pour noyauter l’école publique) dans un point de vue publié le 12 février par The Guardian. Elle y écrit notamment : “Les nouveaux négationnistes de la science semblent dire que si vous ne pouvez pas faire taire la science, vous devriez faire taire les écoles.”
The Deniers would like to do both — shut down the science and the schools. Most home-schooled children are taught by parents who are Deniers.
But look on the bright side. Science is a highly competitive enterprise, and in a generation or so, all those rapidly developing nations will have a chance to challenge the U.S. in scientific achievement. The world needs more countries with advanced sciences — especially environmental science.