Barack Obama’s Women

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Pierre Lemieux est professeur associé à l’université du Québec en Outaouais, auteur de « Une crise peut en cacher une autre » (Les Belles Lettres, 2010).

En même temps que la campagne pour l’élection présidentielle, se déroule une campagne pour l’élection du tiers des sénateurs au Congrès américain, ce qui donne à beaucoup de politiciens beaucoup d’occasions de dire beaucoup de sottises. On en a eu un exemple avec l’irruption de la question des sexes.

Le régime d’assurance-maladie créé par le président Obama obligerait bientôt les employeurs à inclure une couverture contraception dans les polices d’assurance maladie de leurs salariées. Je ne dirai pas que c’est un peu comme si une assurance dentaire payait les brosses à dent, puisque le débat récent s’est concentré sur un autre problème : l’atteinte à la liberté des institutions religieuses (universités et hôpitaux, par exemple), qui devraient financer et faciliter des mesures qu’elles jugent immorales. Autre casus belli : les candidats à l’investiture républicaine s’opposent à l’avortement ou, en tout cas, à son financement public. Il est vrai que l’intégrisme catholique de Rick Santorum n’a pas aidé les républicains, mais ce candidat est en voie d’être éliminé de la course à l’investiture républicaine par Mitt Romney.

Les sondages indiquent que la majorité de l’électorat féminin se prépare, comme d’habitude depuis deux décennies, à voter démocrate, alors que c’est le contraire parmi l’électorat masculin. L’exception qui confirme la règle s’est produite à l’élection de 2010 où, sous l’inspiration du Tea Party, les électeurs ont donné une majorité républicaine à la Chambre des représentants, et où l’électorat féminin s’est partagé également entre les deux partis. Un sondage récent révèle que, dans l’élection présidentielle à venir, 58% des électrices voteraient pour Barack Obama, et seulement 38% pour Mitt Romney. Des démocrates ont accusé le parti républicain de mener une “guerre aux femmes”. Les bien-pensants ont condamné “l’ écart des sexes” (gender gap) dans le Parti républicain. Un porte-parole républicain a brillamment rétorqué : “Il est évident que les Démocrates font face à un gros écart des sexes en ce qui concerne l’électorat masculin.”

Ce n’est pas, semble-t-il, à cause de la question de l’avortement que la majorité des femmes rejettent le Parti républicain, mais surtout parce qu’elles favorisent généralement plus de réglementation et de contrôle. Le phénomène n’est pas nouveau. Dans une analyse économétrique publiée en 1999 dans le Journal of Political Economy, deux économistes, John Lott et Lawrence Kenny, ont montré comment l’établissement du droit de vote des femmes dans les différents États de la fédération s’est traduit historiquement par un déplacement de l’électorat vers la gauche. Ajoutons que la psychologie évolutionniste expliquerait bien cette dérive : les femmes sont plus maternelles et il n’y a de là qu’un pas à vouloir imposer la compassion par la force de l’État.

La directrice du Centre sur la politique et les femmes américaines à l’Université Rutgers l’a indirectement confirmé : “Une motivation importante dans le vote féminin se trouve dans le sentiment des femmes qu’elles sont plus vulnérables économiquement et qu’elles auront éventuellement besoin du filet de sécurité que l’État fournit.”

Il n’est bien sûr pas question de remettre en question le droit de vote des femmes. D’ailleurs, personne ne le fait dans le parti républicain, pas plus que les ténors démocrates ne proposent de retirer le droit de vote aux hommes. On peut quand même poser des questions. Moins du cinquième des membres du Congrès américain appartiennent au beau sexe. Pourquoi les femmes ne votent-elles pas pour des candidats féminins ? Poser la question, c’est y répondre : en dehors de motivations psychologiques inavouables, les femmes, comme les hommes, ne votent généralement pas en fonction du sexe. Pourquoi les femmes ne se présentent-elles pas plus nombreuses aux élections ? En partie, sans doute, parce qu’elles ne sont pas attirées par la véritable jungle que constitue l’univers politicien. Il demeure étrange que la grande majorité des femmes appuie l’augmentation des pouvoirs d’une institution, l’État, dont la performance historique dans le domaine de la paix et d’autres valeurs maternelles n’est pas – c’est l’euphémisme du siècle – tout à fait sans tache.

Le délire politicien a atteint son apogée la semaine dernière quand, devant un groupe de femmes, le président Obama s’est vanté de sa vie dans un monde de femmes : il a mentionné sa mère monoparentale, sa grand-mère, son épouse, sa belle-mère, ses deux filles, ainsi qu’un mentor féminin. Une mauvaise langue ajouterait qu’il n’y a que parmi les gorilles de sa protection rapprochée qu’on ne voit pas de femmes.

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