Obama dit oui au mariage gay : les Américains, moins conservateurs que les Français
LE PLUS. Alors que François Hollande fait le timide sur la question, Barack Obama, en pleine campagne, se déclare ouvertement favorable au mariage gay. Qui l’eut cru ? Pas grand monde. En France en tout cas, où les Américains sont perçus comme “puritains” et coincés. Pourtant, Pierre Guerlain, professeur de civilisation américaine, affirme que c’est un formidable coup électoral.
Pourquoi Barack Obama se prononce-t-il en faveur du mariage homosexuel en pleine campagne ? On pourrait, de France, interpréter cela comme une erreur stratégique et pourtant, c’est un formidable coup électoral.
Sur le plan de la liberté sexuelle, il y a deux Amériques : les conservateurs et les libéraux. Les conservateurs, ce sont les réactionnaires ou chrétiens fondamentalistes, qui vivent dans le Sud (pas sur les côtes, ni dans les grandes villes du Nord-Est, ni en Californie). De l’autre côté, il y a les libéraux de centre-gauche, qui ne partagent pas les même valeurs. Les électeurs d’Obama sont bien sûr les seconds.
Un bon coup électoral
Barack Obama sait que les électeurs très conservateurs ne voteront jamais pour lui, il n’a donc pas peur de perdre leurs voix. Avec cette annonce, en revanche, il satisfait un électorat qu’il avait déçu sur le plan des libertés. Certains points comme Guantanamo, la sécurité sociale ou les drones ont déplu, surtout aux jeunes qui l’avaient soutenu très fortement en 2008…
Puisque sur le terrain social, ses engagements ont pu être perçus comme laissés de côté, il se saisit maintenant d’un nouveau problème sociétal.
Cela ne peut être que bénéfique pour lui. Il ne mécontente pas ses électeurs, qui sont en grande majorité favorables au mariage gay, à l’exception des Noirs qui y sont plutôt opposés pour 60% d’entre eux, mais qui sont très fidèles à Obama et ne voteront jamais pour un candidat républicain.
Symboliquement, financièrement et politiquement, c’est un beau coup. Depuis cette annonce, ses dons de campagne ont fait un bond. C’est astucieux de la part du président américain : cette annonce ne coûte rien et ramène des dons.
Une gêne pour les Républicains
D’autre part, c’est une annonce qui embarrasse le camp républicain qui est très divisé sur les questions de sexualité et encore plus en ce qui concerne l’homosexualité.
Or, dans l’équipe de Mitt Romney, une polémique a agité la campagne. Un conseiller gay du candidat républicain a été réduit au silence par les ultraconservateurs et a fini par démissionner “pour raisons personnelles”. Mitt Romney, de son côté, n’est pas particulièrement gêné par les questions gays, mais il sait que beaucoup de ses électeurs sont des chrétiens fondamentalistes qui trouvent que le mariage gay est une aberration.
En faisant cette annonce, Obama décale habilement le débat politique sur la question des mœurs sexuelles, sur laquelle Romney ne veut pas vraiment dire clairement ce qu’il pense. Ce problème qui servait d’épouvantail aux républicains est devenu un atout pour les démocrates.
Une évolution rapide des esprits, contrairement à la France
Aux Etats-Unis, il y a eu, en quelques années, une rapide évolution sur cette idée du mariage gay. En 2008, ils étaient 38% à être favorables au mariage gay, en 2012, ils sont 53%. Obama suit ses électeurs dans leur évolution de mœurs. Et c’est une stratégie très payante.
Alors pourquoi cette question n’est-elle pas centrale en France ? Hollande a fait connaître sa position mais ne s’en est pas réellement servi comme argument dans sa campagne. Même si Hollande a été élu, la montée très forte de l’extrême droite montre bien que nous sommes dans un pays qui évolue vers plus de conservatisme. En France, l’idéologie majoritaire est à droite.
Les esprits sont moins mûrs qu’aux Etats-Unis. Les Pays-Bas, l’Angleterre ou les pays scandinaves évoluent plus vite que la France. Cela peut s’expliquer, car sur la question des mœurs sexuelles, il y a un réel clivage entre pays protestants et pays catholiques.
Nous sommes un pays athée, mais nous sommes de tradition catholique et celle-ci a été un frein énorme sur ces questions, notamment sur celle de l’avortement.
Nous, Français, imaginons souvent les Américains comme “puritains” mais il faut noter que le terme “puritain” est problématique. Il y a une ambiguïté autour de ce mot. Dans le langage courant, les Français l’utilisent pour dire “prude”, “coincé”. Mais historiquement, le puritanisme est un courant du protestantisme au 17e siècle, né en Angleterre, qui d’ailleurs laissait la place à certaines pratiques sexuelles qui n’étaient pas prudes.
Dans le langage courant, le mot “puritain” renvoie plutôt à la morale sexuelle de la fin du XIXe siècle que l’on appelle victorienne même aux Etats-Unis.
Et la morale sexuelle a plusieurs facettes. Aux Etats Unis, la morale veut que les présidents soient mariés. En France, le fait que François Hollande vive avec une femme qui n’est pas son épouse légitime n’a aucunement été un enjeu dans cette campagne.
Une annonce peu liante
In fine, c’est surtout très bien calculé de la part d’Obama parce que, dans les faits, ce sont les Etats qui choisissent d’autoriser ou non le mariage gay. Au niveau fédéral, l’administration centrale ne peut rien imposer aux Etats sur cette question.
Le seul problème constitutionnel qui est posé est : si un gay se marie dans un Etat qui l’y autorise, sera-t-il considéré comme marié dans un autre Etat ? Il y a un vide sur cette question.
En France, s’il y avait un vote au Parlement, tout le monde s’y soumettrait. En cela, l’annonce d’Obama est moins liante que celle d’Hollande et a ravi un groupe d’électeurs dont l’Obamania avait quelque peu faibli.
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