Chaque année, aux États-Unis, quelque 15 000 femmes et jeunes filles avortent plutôt que de donner naissance à un enfant conçu lors d’un viol ou d’un inceste. Ce n’est pas ce choix, que l’on devine pénible et déchirant, qui est regrettable et honteux, mais bien qu’en 2012, un politicien utilise encore un argument pseudo scientifique pour cacher son ultraconservatisme et renier tout droit à l’avortement, qu’importent les circonstances.
On croit retourner des siècles en arrière en écoutant les propos du candidat républicain au Sénat, Todd Akin, voulant que le corps des femmes peut empêcher les grossesses qui résultent d’un «vrai viol». Interrogé à savoir s’il était favorable à l’avortement en cas d’agression, le politicien du Missouri a répondu que s’il comprend bien les médecins, ce type de situations est vraiment rare. «S’il s’agit d’un viol véritable, le corps féminin a des moyens de bloquer tout ça.»
Quoi? Comment peut-on encore aujourd’hui présenter un argument aussi farfelu et aussi culpabilisant à l’égard d’adolescentes et de femmes qui se retrouvent enceintes à la suite d’une relation sexuelle non désirée, violente et traumatisante?
Un peu plus et le candidat républicain, qui est aussi membre de la commission des sciences à la Chambre des représentants, évoquerait la longueur de la jupe de la victime, la profondeur de son décolleté, ses fréquentations passées et l’heure à laquelle l’agression s’est produite pour justifier l’injustifiable.
Sa brillante thèse laisse même supposer que si des milliers de femmes sont enceintes à la suite d’un viol, c’est sûrement parce qu’elles y ont pris plaisir puisque leur corps n’a pas refusé d’y engendrer la vie.
En campagne électorale, les paroles d’Akin ont vite trouvé écho à travers le pays. Le président démocrate, Barack Obama, s’est empressé de préciser qu’un «viol est un viol». Le républicain Mitt Romney, qui vise la présidence, et son colistier, Paul Ryan, se sont dissociés de leur candidat. Mitt Romney s’est même dit choqué par les commentaires inexcusables et insultants de l’aspirant sénateur. Contrairement à son colistier et à plusieurs membres de son parti, M. Romney ne condamnerait pas le recours à l’avortement dans le cas de viol ou d’inceste. On a beau être conservateur, il y a une limite à ne pas dépasser.
Todd Akin, élu par l’électorat du Missouri à six reprises, a tenté de réparer sa bourde plutôt que de démissionner comme certains le réclamaient. Il a d’abord indiqué dans un communiqué qu’il avait mal choisi ses mots. Il a ensuite préparé une vidéo pour s’excuser. Or, il a beau exprimer sa profonde empathie pour les femmes violées, ses paroles sonnent faux lorsqu’il dit du même souffle qu’il croit profondément à la protection de toute forme de vie et qu’il refuse de faire du mal à une autre victime innocente.
En d’autres mots, l’avortement n’est jamais une option pour lui. Son empathie semble aller davantage aux organisations chrétiennes ultraconservatrices. Le violeur doit être puni, l’enfant protégé. Et la femme violée dans tout ça? Elle n’a d’autre issue que de rendre à terme cette grossesse non désirée, sauvagement imposée. Difficile de croire à la sincérité de ces pro-vie qui veulent sauver des foetus tout en demandant à des adolescentes et à des femmes de sacrifier leur santé physique et mentale, et de chambouler leur vie.
Aussi étonnants et désolants qu’ils soient, les propos de Todd Akin ont néanmoins le mérite d’être clairs. Contrairement à certains élus du Parlement canadien qui proposent des modifications sournoises au Code criminel pour criminaliser l’avortement, le politicien américain ne dissimule pas sous de faux prétextes sa vive opposition aux interruptions de grossesse.
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