Atmosphere of the Bush Years

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Editorial de Jean-Paul Piérot

Ambiance des années Bush

L’habituelle collusion des adeptes du «choc des civilisations» fait de nouveaux ravages. On ne connaît pas encore les détails de l’intrication entre la diffusion massive d’un obscur torchon sur pellicule véhiculant l’islamophobie la plus vulgaire et le déclenchement de manifestations violentes auxquelles ont pris part quelques milliers d’extrémistes de par le monde au prétexte de la défense de la religion outragée. Mais tout cela est trop bien ordonné pour laisser la place au hasard.

Des attaques d’ambassades et autres symboles du monde occidental, des affrontements parfois meurtriers avec les forces de police de Tunis à Islamabad, s’enchaînant après la mort du représentant américain en Libye, il n’en faut pas davantage pour que l’on parle dans les médias européens et américains d’«un monde arabe qui s’enflamme». On serait tenté de dire que c’est le monde médiatique qui s’enflamme lui-même. Il développe un insultant amalgame entre l’immense majorité des populations des pays arabo-musulmans et une infime minorité d’activistes se saisissant de l’opportunité offerte par un producteur véreux de Californie avec le soutien d’un pasteur amateur d’autodafés.

On voit bien à qui profitent les crimes. Aux États-Unis, certains orphelins de l’époque de Bush peuvent être tentés de recréer une ambiance d’intolérance et de peur à moins de deux mois du scrutin présidentiel qui décidera de la réélection ou de la défaite de Barack Obama. Dans les pays arabes ou à majorité musulmane, les forces islamistes les plus radicales, notamment salafistes, entendent pousser les feux de leur influence, en Tunisie, en Égypte ou en Libye. Dans cette offensive, sont en réalité bien davantage visés la majorité des citoyens, les forces démocratiques, progressistes que les intérêts américains ou européens. Dans ce contexte, les appels au rejet des fondamentalismes religieux et au respect des croyances et convictions de chacun, formulés par le pape Benoît XVI au cours de son voyage au Liban, ont sans doute eu un écho particulier dans d’autres parties du Proche-Orient où cohabitent encore des populations de diverses confessions, comme la Syrie et la Palestine.

En France, la droite et l’extrême droite essaient de tirer un petit profit des tentatives de débordement auxquelles se sont livrées samedi quelques centaines de personnes aux abords de l’ambassade des États-Unis à Paris. François Fillon s’érige en donneur de leçons au gouvernement. Et Marine Le Pen agite le chiffon noir de 100 000 salafistes qui envahiraient bientôt les rues de Paris. Vite, sortons du cauchemar des années Bush !

Jean-Paul Piérot

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