Mitt Romney aura réussi un double exploit cette semaine : détourner lui-même l’opinion d’une polémique qu’il avait lancé contre Obama, en imputant les récents soulèvements islamistes au Moyen-Orient à sa prétendue faiblesse.
En second lieu, détruire, hacher menu, atomiser, calciner les rares effets positifs décelables après l’opération séduction de la convention républicaine fin aout. S’il comptait capitaliser sur sa version du « Conservatisme Compatissant » et sur son engagement à redresser l’économie au bénéfice de tous les Américains, alors sa petite sortie sur les « 47% d’assistés » (politiquement incurables donc électoralement négligeables) dans la population, révélée par une vidéo d’une de ses interventions lors d’un gala de levée de fonds, le dépeint plutôt comme un hobereau cynique et condescendant. Et la campagne démocrate va en faire ses choux gras, jusqu’à l’indigestion ; sur un sujet, l’emploi et l’éthique de businessman de Romney, qui devait-être le leitmotiv républicain jusqu’en novembre.
Pour la défense de Mitt, il faudrait plaider les necessités de ce genre d’exercices de levée d’argent : la vidéo date, non pas d’hier, mais du 17 mai dernier, un moment où Romney, certes assuré de la nomination républicaine, devait toujours gagner l’assentiment des durs de son parti, et plus durs encore, des bailleurs de fonds régionaux, l’épais gratin conservateur des petites villes. Cela se passait, en l’occurrence, en Floride, à Boca Raton, dans la maison à 4,5 millions de dollars de l’ineffable Marc Leder, PDG milliardaire de la firme Sun Capital Partners (et fêtard renommé). Comme toujours dans ce genre d’événement, le public de patrons de PME assez prospères pour payer 50 000 dollars l’assiette le droit de parler au candidat à huis clos, en voulait pour son argent.
Leur chèque est censé leur ouvrir, le temps d’une soirée, les coulisses de la campagne, le privilège exclusif, sans témoins de la presse, des prétendues confidences de l’homme en vue. On ne leur sert donc pas la langue de bois jetée au plus grand nombre, mais la rude connivence réservée aux vrais copains, soudain érigés en égaux des plus proches conseillers du présidentiable. Les invités y trouvent de quoi agrémenter pendant des mois leurs propres diners en ville, avec des mines de conspirateurs surinformés. « Tu te souviens, chérie, de ce que nous a dit Mitt… »
Voilà pourquoi la presse n’est jamais admise dans ces conciliabules payants du « Happy Few ». Parce que les candidats y disent parfois n’importe quoi pour ravir l’assistance, ou, le plus souvent, assortissent des banalités de faux parler-vrai et de roulements d’épaules entendus. Indiffusables à la télévision.
Obama aussi s’était fait prendre au piège, lorsqu’une vidéo clandestine d’un gueuleton équivalent chez les démocrates l’avait montré en train d’analyser les travers électoraux du bon peuple en période de crise économique : « Dans un tel climat d’incertitude, on ne s’étonne pas qu’ils s’accrochent à leurs fusils et à leur religion… » C’était en… avril 2008, et les Républicains en parlent encore dans leurs pubs de campagne.
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