Korea: Obama's Most Serious Mistake

Edited by Tom Proctor

 

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Corée : Obama a commis sa “plus grave erreur”

En autorisant Séoul à tripler la portée de ses missiles balistiques, Washington a ouvert la boîte de Pandore dans la région.

De notre correspondant à Séoul Sébastien Falletti

Séoul et Pyongyang jouent à celle qui tire son missile le plus loin. Un jeu périlleux qui menace la fragile sécurité de l’Asie du Nord-Est, mais qui a reçu la bénédiction de Washington. Tandis que tous les projecteurs sont braqués sur le duel Obama-Romney, avec comme plat de résistance l’Iran ou le Moyen-Orient, l’administration démocrate joue avec le feu en Asie-Pacifique, jugent les experts. “Il s’agit de la plus grave erreur d’Obama en matière de sécurité”, estime Daniel Pinkston, spécialiste au très respecté International Crisis Group, dénonçant le nouvel accord bilatéral conclu entre Washington et son allié, la Corée du Sud.

Dimanche, Séoul a annoncé triomphalement qu’elle allait presque tripler la portée de ses missiles balistiques afin de mieux tenir en respect le régime de Kim Jong-un. Une décision arrachée au protecteur américain, qui lui permettra de frapper l’ensemble du territoire nord-coréen et rendra caduc l’engagement pris par Séoul en 2001 de limiter ses missiles balistiques à une portée de 300 kilomètres. D’ici cinq ans, Séoul déploiera des armes balistiques d’une portée de 800 kilomètres et aura les moyens de lancer des “frappes préventives, chirurgicales, contre les neuf bases de lancement de missiles nord-coréennes, si nécessaire”, estime Baek Seung-joo du Korea Institute for Defense Analyses (Kida).

Coup de bluff

Pendant que les militaires et les experts sud-coréens montrent leurs muscles, les experts occidentaux s’arrachent les cheveux. “C’est une mauvaise décision, qui va enflammer la région et aura un impact négatif global. Et dire que cela vient d’un président qui a reçu le prix Nobel de la Paix et s’est prononcé pour un monde sans armes nucléaires !” s’insurge Daniel Pinkston. Pour ce spécialiste reconnu basé à Séoul, le feu vert donné par Obama à son allié conservateur, le président Lee Myung-bak, va encourager une course à l’armement dans la région et favoriser la prolifération. Et, surtout, encourager Pyongyang à jouer l’escalade.

La réponse de la Corée du Nord ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Mardi, la dictature a montré les dents, brandissant la menace contre l’accord conclu entre Séoul et son protecteur américain, qui maintient 28 500 GI dans la péninsule. “Nous sommes prêts à combattre capacité nucléaire contre capacité nucléaire, missile contre missile”, a déclaré un porte-parole de la Commission nationale de défense, l’un des organes-clés du régime nord-coréen.

Pyongyang s’est vantée d’avoir “placé à portée de tir non seulement les forces américaines dans la péninsule coréenne, mais aussi le Japon, Guam [territoire américain du Pacifique, NDLR], et même le territoire des États-Unis”. Un coup de bluff, puisque les différents essais de missiles intercontinentaux du royaume ermite se sont, au mieux, abîmés dans le Pacifique, et que Pyongyang ne serait pas encore en mesure de miniaturiser l’arme atomique. Néanmoins, les forces américaines en Corée et au Japon, voire à Guam, seraient à portée des armes de Kim.

Inquiétude

L’accord Séoul-Washington donne également un mauvais exemple à la Chine et au Japon, qui se sentent menacés par l’allongement de la portée des missiles de leurs voisins. “Ils vont se dire : si les Sud-Coréens le font, alors pourquoi pas nous !” regrette Pinkston. Si Washington a cantonné à 800 kilomètres la portée des missiles sud-coréens pour épargner les capitales Pékin et Tokyo, les futurs engins pourront frapper l’ouest du territoire japonais.

Un signal maladroit, à l’heure où les relations entre les deux voisins sont au plus bas, du fait d’une dispute territoriale au sujet de l’île de Dokdo/Takeshima. La Chine a déjà fait part de son inquiétude en critiquant, via son agence officielle Xinhua, la nouvelle portée des missiles, soulignant qu’elle était en contradiction avec les engagements internationaux de réduction des armements. “La Chine va exploiter cet argument pour exporter de la technologie sensible vers le Pakistan ou… la Corée du Nord”, prévient Pinkston. Reste à savoir si le républicain Mitt Romney utilisera cet argument pour contrer son adversaire démocrate…

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