La nouvelle ère Obama
Il fallait être un idéologue glacial pour ne pas ressentir l’humilité émouvante d’un président reconduit par un peuple encore enlisé dans la crise, dans ses peurs et ses doutes. Obama lui-même, réputé distant et un tantinet technocrate depuis 4 ans, a saisi l’instant pour rappeler aux Américains, sur le ton d’un Sinatra de la politique, que « the best is yet to come » ; le meilleur est à venir.
En le réélisant ce soir, 80% des électeurs « non blanc » du pays lui ont rappelé, dans un vote décisif, le visage de l’Amérique de demain, et l’approbation des électeurs du mid-west industriel, premiers bénéficiaires du sauvetage de l’automobile par l’Etat, constitue un encouragement inattendu à une nouvelle social-démocratie américaine. L’ouragan Sandy a aussi joué un rôle. Non tant en boutant Romney hors des journaux télévisé, mais en révélant simplement l’évidence, niée par la surenchère républicaine : la nécessité d’une solidarité nationale et d’une implication du gouvernement dans la vie tourmentée de ses administrés.
Obama, par un discours d’une qualité inédite depuis sa fameuse allocution de Manassas, Virginie, la veille de sa victoire de 2008, a repris son thème favori, celui de l’unité nationale et du compromis nécessaire au bien public. Si sa campagne n’a pu dessiner un programme, et donc un mandat précis, le président dispose maintenant d’une légitimité, et d’une marge de manœuvre qui, en période de reprise économique, dépasse largement celle de 2008.
Soit. Il aura toujours en face de lui une Chambre des Représentants majoritairement républicaine, mais la défaite de ce soir induit aussi une révision déchirante de sa stratégie par le camp adverse. Les Américains ont clairement rejeté l’extrémisme destructeur de l’opposition conservatrice, et le flou dangereux de la candidature Romney. Côté Républicain, le sort du Tea Party et des incendiaires du Congrès est aujourd’hui en discussion, et le rôle des gouverneurs, pour la plupart pragmatiques, issus de ce parti promet d’être mis en avant comme un gage d’inclusion et d’efficacité.
Plus profondément, le Parti Républicain a découvert que l’inéluctable, la mutation du pays en société majoritairement multiraciale, condamnait à l’échec sa stratégie actuelle, qui consiste à tout miser sur l’electorat blanc américain. Romney accuse ce soir un déficit de 40 points face à Obama dans le vote hispanique. 93% des noirs sont favorables à Obama. Quels discours, quel projet peuvent façonner les Républicains pour s’ouvrir à cette nouvelle réalité ?
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