Le déclin de l’empire américain n’est finalement peut-être pas pour tout de suite… Certains événements font beaucoup de bruit, suscitent de fortes réactions, mais n’ont aucun lendemain. D’autres ne font guère réagir, mais sont porteurs d’immenses changements. L’annonce, le 12 novembre, par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) que les États-Unis pourraient devenir, d’ici à 2020, le premier producteur mondial d’hydrocarbures (et énergétiquement autosuffisants vers 2035) mérite toute notre attention. Cette hypothèse, car il faut tout de même prendre, pour de multiples raisons, cet augure avec des pincettes, constituerait un véritable big bang géopolitique, économique mais aussi environnemental.
Une révolution dans le paysage énergétique mondial – et, partant, dans les rapports de force entre les géants de la planète – due en grande partie au développement exponentiel de la production d’or noir non conventionnel, notamment de pétrole et de gaz de schiste. Les réserves américaines en la matière sont colossales, un véritable chapelet de champs qui s’égrène entre la Californie, le Dakota, le Colorado, l’Utah, le Montana ou le Texas. Conséquences directes et intérieures : l’économie américaine aura de très beaux jours devant elle (gain de compétitivité, coût réduit de l’énergie, etc.). À l’échelle de la planète, l’inclination quasi viscérale des États-Unis pour l’isolationnisme pourrait s’en trouver considérablement renforcée. Moins dépendants des barils du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’ailleurs, les gendarmes mais aussi les bailleurs de fonds du monde pourraient bien s’effacer et demander aux Européens ou aux Asiatiques de prendre leurs responsabilités et de les débarrasser d’une charge qu’ils n’ont acceptée que pour défendre leurs intérêts stratégiques. L’AIE prévoit, par exemple, qu’en 2035 c’est l’Asie qui absorbera la très grande majorité des exportations d’hydrocarbures en provenance du Moyen-Orient. La liste des bouleversements, majeurs ou mineurs, en matière de politique étrangère des nations est presque infinie…
Last but not least, l’environnement. L’exploitation de ces gisements du futur est lourde de menaces. D’abord celles liées aux techniques utilisées : les sols, l’eau souterraine ou de surface n’en sortiront pas indemnes. Les terrains nécessaires à la mise en production des champs, eux, n’ont rien d’anecdotiques, loin de là, et concurrenceront donc ceux devant être alloués aux habitations, à l’agriculture, aux industries, aux transports, etc. Enfin, en l’absence de contraintes relatives à la nécessité de sortir d’énergies fossiles en voie de raréfaction, il est vraisemblable que les efforts à entreprendre en matière d’économie d’énergie – ce qui n’était déjà pas franchement la tasse de thé des États-Unis, de la Chine ou de l’Inde, entre autres – seront repoussés aux calendes grecques. De quoi, comme l’écrivait le poète et écrivain français Paul Valéry, entrer dans l’avenir à reculons…
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