Edited by Laurence Bouvard
D’abord sexuel, le scandale Petraeus, du nom de l’ex-chef de la CIA, tourne à l’affaire d’ État. Obama et Petraeus ont-ils tout dit au sujet de la mort de l’ambassadeur américain en Syrie?
Tout est dans la sémantique. Utiliser un mot et non pas un autre. ” Extrémiste et non pas terroriste” , une nuance que personne ne relève à l’époque des faits mais qui désormais sonne comme le glas d’une carrière parfaite qui vient d’exploser en vol. Le volet du scandale de l’affaire David Petraeus, 60 ans, est donc entré dans sa seconde phase cette semaine. Après s’être copieusement rassasiée des aventures extraconjugales de l’ancien directeur de la CIA, la classe politique américaine et la presse du pays s’intéressent désormais de très près au timing de cette démission et aux répercussions qu’elle a pu avoir sur la sécurité du pays. À commencer par la gestion de l’attentat de Benghazi qui eut lieu le 11 septembre dernier et coûta la vie à J. Christopher Stevens, l’ambassadeur américain en Libye, ainsi qu’à trois de ses compatriotes.
La semaine de l’élection présidentielle est celle de tous les dangers. Le président sortant américain, Barack Obama, est dans la dernière ligne droite. Mathématiquement, il remporte les grands électeurs, mais le vote populaire inquiète ses communicants. La victoire ne semble pas évidente. Sont-ils tous alors très attentifs? On ne le sait toujours pas. Une chose est sûre, en revanche : le lendemain de la victoire, Obama est informé de la liaison adultérine de Petraeus avec une femme de 40 ans, Paula Broadwell. Le choc est double : Obama n’est pas comme Bill Clinton, il ne goûte guère ce genre de comportement, se dit “déçu” . Sans compter que le timing de ce scandale à plusieurs volets (le président ne le sait pas encore) tombe au plus mal. Au fond, encore heureux que tout ne soit qu’un misérable vaudeville, pense-t-on à ce moment-là. Obama est réélu le mardi 6 novembre, Petraeus lui présente sa démission le jeudi. Elle est acceptée et annoncée le vendredi.
L’espion espionné
L’affaire aurait pu en rester là mais, très vite, elle devient une question de sécurité nationale. David Petraeus n’est pas n’importe qui, il est le chef de la CIA – l’espion espionné. Le FBI est d’abord dans la ligne de mire. Pourquoi, alors qu’il savait depuis des mois que le général quatre étoiles entretenait une relation extraconjugale avec Paula Broadwell, n’a-t-il pas informé l’administration Obama? Puis, très vite, les critiques se portent sur la CIA. Qu’a-t-elle vu? Et a-t-elle averti la présidence, comme il se doit? Certains élus républicains s’interrogent alors sur la concomitance entre la démission de Petraeus et les auditions à huis clos prévues pour le vendredi 16 novembre devant le Congrès, qui portent sur l’attaque contre le consulat américain, le 11 septembre à Benghazi. Le général quatre étoiles a donc témoigné vendredi. Il a exprimé des regrets pour sa “conduite inconvenante” mais n’a pas été interrogé sur cette question. Non, le feu des questions a porté sur cette fameuse sémantique. Pourquoi ne pas avoir utilisé tout de suite le mot terroriste? Pourquoi être resté aussi flou? L’ancien patron de la CIA a expliqué avoir volontairement choisi de ne pas désigner clairement le nom de ces groupes terroristes liés à la nébuleuse Al-Qaida et avoir préféré être plus flou, en utilisant le terme d’ extrémiste . L’objectif étant d’éviter ainsi de les alerter.
Mais les républicains ne l’entendent pas de cette oreille. Sous le feu de leurs critiques, une proche de Barack Obama, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Susan Rice, pressentie pour remplacer Hillary Clinton à la tête du département d’État, une nomination que certains républicains jurent d’empêcher. Pourquoi a-t-elle, cinq jours après l’attentat, laissé entendre que le drame de Benghazi était davantage le résultat d’une attaque spontanée, liée à la vidéo islamophobe qui embrasa une partie du monde musulman, qu’une attaque terroriste?
McCain évoque le Watergate
Le sénateur de la Caroline du Sud Lindsey Graham et celui de l’Arizona John McCain se sont montrés particulièrement violents à l’encontre de Rice, poussant Barack Obama à sortir du bois lors de sa première conférence de presse, le lendemain de l’élection : “Si les sénateurs McCain, Graham et d’autres veulent chercher quelqu’un, ils devraient venir me chercher, moi.” Le sénateur républicain de Floride, Marc Rubio, a déclaré que “le témoignage de Petraeus montrait clairement que les mesures de sécurité n’avaient pas été prises, alors qu’une avalanche d’informations concordantes indiquait la dangerosité de Benghazi”.
Les démocrates sont immédiatement montés au créneau, affirmant qu’il n’y avait eu aucun calcul politique dans le timing de la démission et l’audition devant le Congrès. Mais le sénateur McCain, rival de Barack Obama à la présidentielle de 2008, n’en démord pas et n’est d’ailleurs pas loin de comparer Benghazi au scandale du Watergate, qui coûta la présidence à Richard Nixon. “Sauf qu’au Watergate personne n’est mort” , a martelé le sénateur de l’Arizona.
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