Mother of the Newtown Shooter "Prepared for the Worst"

<--

La mère du tueur de Newtown « se préparait au pire ». Qui sont les « preppers » ?

« Elle se préparait au pire. La dernière fois que je lui ai rendu visite, nous avions parlé de “nous préparer” – était-on prêtes pour ce qui pouvait arriver, pour la faillite de l’économie ? »

Selon sa belle-sœur Marsha Lanza citée par le Daily Telegraph, la mère du tueur de Newtown, Nancy Lanza, était une « prepper ».

C’est parce qu’elle craignait les conséquences de la crise financière qu’elle emmagasinait de la nourriture et apprenait à maîtriser les armes, a précisé sa belle-sœur au Daily Mail.

Elle a été abattue par son fils, qui a ensuite tué 26 personnes dont 20 enfants dans l’école primaire de cette ville moyenne du Connecticut.

Aux Etats-Unis, les preppers (de « prepping », la préparation) forment une communauté de plusieurs millions de personnes. Entre le « fiscal cliff » qui menace l’économie, les ouragans qui s’enchaînent et, bien sûr, la fin du monde dont on n’a jamais été aussi près, tout les pousse à se préparer à une catastrophe imminente.

Ils sont de plus en plus nombreux depuis deux ou trois ans, encouragés dans leurs peurs par la catastrophique gestion de l’ouragan Katrina et la crise économique.

Ils se disent surveillés par le FBI qui aurait « tracé » les visiteurs de SurvivalBlog.com, le site préféré des preppers. Il attire 300 000 visiteurs par mois, mais des dizaines d’autres sites aident les preppers à se préparer pour « la-fin-du-monde-tel-qu’on-le-connaît ».

Il y a aussi des livres, des conférences, des émissions de radio, et même une émission de télé-réalité sur National Geographic, « Doomsday Preppers », dont la deuxième saison a commencé.

Qui sont les « preppers » ?

Il y a de tout, et ce sont loin d’être des sociopathes. Nancy Lanza est décrite par le New York Times comme une passionnée de jardinage et de flingues. Deux passions communes dans le coin :

« Mme Lanza était une femme élancée, aux cheveux blonds à hauteur d’épaules, qui aimait les bières artisanales, le jazz et le paysagisme. Elle allait souvent au restaurant du coin qui organisait des concerts, My Place, où, lors des dégustations de bière le mardi soir, elle évoquait parfois sa collection d’armes. »

Les preppers refusent qu’on les compare aux survivalistes des années 60 et 70, qui se préparaient à la fin du monde en s’enterrant seuls dans des bunkers. Eux insistent sur le principe de communauté et encouragent leurs amis – ce sont pas des ermites – à se préparer comme eux à une catastrophe pour que tout le monde puisse reconstruire ensemble.

Ils se trouvent un peu partout aux Etats-Unis, mais surtout dans les banlieues habitées par la classe moyenne blanche. Certains ont un emploi, d’autres non. Beaucoup sont ou ont été militaires mais pas tous. Politiquement, c’est compliqué.

La plupart sont bien à droite et libertariens, façon Tea Party ou Ron Paul : ils ne font absolument pas confiance au gouvernement. Mais le mouvement rassemble aussi les écologistes qui craignent le changement climatique et les tenants de l’autosuffisance alimentaire. La grande majorité sont chrétiens et croient en la fin des temps.

Mais il y a des exceptions partout. Dans un épisode de « Doomsday Preppers » apparaît Kathy Harrison, une habitante de la Nouvelle-Angleterre :

« Il est facile de se sentir à l’écart de la communauté prepper lorsqu’on vit en Nouvelle-Angleterre et que l’on n’est pas vraiment à droite ni conservateur politiquement.

Mais je ne passe pas ma vie à emmagasiner des armes et des munitions car notre sécurité ne tient pas aux armes mais à la communauté qui se respecte, se soutient et nous assurons mutuellement nos arrières. »

Le sergent David Williams, qui sert dans la marine et aime les tatouages, insiste sur la notion de communauté. Il a créé le blog Survivology 101. Il explique au site NavyTimes :

« La survie est vraiment un effort de groupe. Si tu es seul ou si tu es avec ta famille dans un bunker, pourquoi survivre ? Ça sert à quoi ? Tu t’accroches à toi ? Autant sortir avec tout le monde car il n’y aura plus rien quand tu sortiras de ton trou. […]

Si nous devons mourir tous ensemble, mourons tous ensemble. Mais si l’on survit, nous formons une communauté forte et nous reconstruisons. “

De quoi ont-ils peur ?

La mère du tueur de Newtown se préparait à la faillite économique. C’est une crainte à la mode chez les preppers ces derniers mois.

Arte a consacré un reportage aux preppers anglais et rencontré Simon Dillon, un habitant de la banlieue de Manchester qui craint une bulle inflationniste en Angleterre, comme dans les années 20.

‘Je me prépare à l’effondrement de l’économie. Regardez ce qui se passe en Grèce. Les gens ont faim et n’ont plus les moyens de s’acheter à manger pour la simple raison que le pays est en faillite. Et ça peut arriver n’importe où ailleurs. Donc si tout part en vrille, c’est bien de faire des réserves.’

Il explique qu’il suffit d’allumer la télévision ou la radio pour comprendre que le monde va mal.

Sur le site de ‘Doomsday Preppers’, l’émission de National Geographic, une application surveille en permanence Twitter pour savoir quelles sont les types de ‘fin du monde’ en vogue.

Lundi, la pandémie était en tête avec 29% de ‘tweets’, devant l’apocalypse en 2012 (26%), la guerre nucléaire (20%) et la catastrophe économique (18%). Pendant ce temps, l’éventualité d’une crise pétrolière majeure n’inquiète plus grand monde (2%).

Mais tous ne se préparent pas à la fin du monde. Certains veulent juste être autonomes dans l’éventualité où le réseau électrique, les transports ou Internet ne fonctionneraient plus.

Chuck Izzo, un prepper rencontré par une journaliste de la BBC en 2010, assurait qu’il n’a rien d’un paranoïaque :

‘Avoir devant soi quelques mois de nourriture, un peu d’expérience des premiers secours, potentiellement un générateur pour maintenir l’électricité dans votre maison si vous pouvez vous le permettre… Je ne crois pas que ce soit de la paranoïa.

Pour moi c’est juste de la prévoyance. Je pense que ça améliore notre confiance et notre qualité de vie.’

Comment se préparent-ils ?

Les preppers ultimes ont devant eux plusieurs mois d’eau et de nourriture, un bunker à proximité et des guns du sol au plafond.

Dans l’émission ‘Doomsday Preppers’, les participants sont notés en fonction de cinq types de critères : nourriture, eau, abri, sécurité et le ‘facteur X’, qui rassemble tout le reste.

Les sites spécialisés enseignent comment cultiver sa propre nourriture, stocker de l’eau, construire son abri ou devenir un tireur parfait en quelques jours. Beaucoup de preppers passent donc leur vie entre leur serre, leur abri et le stand de tir.

Autour des preppers s’est développée toute une économie faite de vendeurs de nourriture lyophylisée, de pièces d’argent – au cas où la monnaie s’effondre –, de générateurs électriques et d’abris sécurisés.

La société américaine Vivos propose des bunkers souterrains de luxe et dit en avoir déjà construit plusieurs aux Etats-Unis. Pour la version la plus luxueuse de ces bunkers, qui peut abriter près de 1 000 preppers pendant un an au moins, il faut compter 35 000 dollars par personne. Mais à ce prix-là, il y a une cave pleine de bouteilles, une boulangerie, des tables de billards et une salle de cinéma.

Tout ceci pose au moins trois questions :

Quel est l’intérêt d’être dans un bunker souterrain si la fin du monde vient, comme certains le pensent, d’un séisme ou d’un volcan ?

Ne vaut-il pas mieux mourir dans une explosion nucléaire que se battre tous les soirs avec 1 000 autres preppers pour savoir quel DVD on regarde dans notre salle de cinéma géante ?

Combien de temps peut-on manger des fruits secs avant de devenir fou ?

About this publication