Oprah : le dernier tour de Lance Armstrong
Oprah Winfrey, grande timonière des valeurs de la middle class américaine, n’a jamais été tendre pour les losers empêtrés dans leurs mensonges, et son détecteur de balivernes est l’un des plus sensibles de l’univers médiatique. La clé de sa réputation et de sa carrière méritée. Si la déesse s’est octroyé l’exclusivité d’une interview de Lance Armstrong, c’est autant pour doper les « ratings » de sa chaîne de télévision, toujours indignes de son ancien show légendaire de l’après-midi, que pour marquer l’actualité par un déballage cathartique à l’américaine, propice aux rédemptions et aux nouveaux départs. Or, elle semble déçue par l’interview enregistrée lundi, dont la diffusion jeudi prochain devait générer une conflagration nucléaire dans tous les news du pays. Armstrong aura-t-il noyé le poisson, admis enfin l’évidence, un dopage sanctionné par le retrait de ses sept maillots jaunes, mais nié son rôle de cerveau de la fraude, reporté les responsabilités principales sur des tiers ? Connaissant sa capacité de déni, cette catastrophe est possible. Et dans ce cas, sa déchéance assurée.
Armstrong s’est décidé à parler publiquement, en principe, pour éviter l’effondrement d’une fondation légendaire contre le cancer. Livestrong, établie avec le soutien de son sponsor Nike, est devenue une institution nationale, financée par le vente de ses millions de bracelets jaunes et les donations du gratin du business. Ce colosse philanthropique, mué en véritable lobby des cancéreux américains, est au centre d’un gigantesque réseau d’hôpitaux, de services à domiciles , et tient lieu de lien social primordial pour des milliers de malades. Or, la mauvaise image d’Armstrong provoque déjà le retrait discret et progressif des plus gros bailleurs de fonds. Nike s’était profondément engagé à ses côtés en diffusant une pub ironisant sur les soupçons de dopage. « Je roule à quoi ? Je roule à vélo. Je m’y casse le cul six heures par jour. Et vous ? » raillait l’héroïque coureur. Pour la marque, le risque est maintenant devenu trop grand.
Le sportif déchu a déjà pris du recul par rapport à la fondation mais il sait que le déclin de Livestrong accélérerait sa déchéance personnelle. « Sans son œuvre caritative, il serait déjà un paria complet » me confiait Michael Williams, journaliste au Texas Monthly et ancien fan du champion . Pour lui elle reste vitale ». A Austin, Texas, on regarde l’enfant du pays en perdition avec une affection désolée. Mais il en faudrait peu pour l’opinion se retourne contre lui. Armstrong n’a jamais manqué d’utiliser ses appuis politiques, ses entrées dans les médias et sa crédibilité locale de notable pour répliquer avec violence et même cruauté aux témoignages de ses anciens collaborateurs attestant son dopage. L’ancienne masseuse de l’équipe du tour, trainée dans la boue et traitée de prostituée alcoolique par les avocats du champion ne s’en est jamais remise. Mais l’intimidation ne durera qu’un temps.
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