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Posted on February 26, 2013.
Au cours de son premier mandat, Barack Obama a surtout cherché à amortir la crise économique. Au cours du second, il veut clairement changer la société américaine.
Après un discours d’investiture relativement bref, le 21 janvier, Barack Obama va prononcer ce soir un discours sur l’état de l’Union, qui doit, comme l’a déclaré William Galston, de l’institut Brookings, définir « le cadre de son second mandat », quand le discours d’investiture était « le dernier de sa campagne de réélection ».
Même si l’allocution de ce soir doit mettre l’accent sur une économie encore trop atone pour venir à bout d’un chômage récalcitrant, le président Obama ne manquera pas d’évoquer les chantiers qu’il a déjà mis en oeuvre, dans l’idée qu’ils resteront, s’ils sont menés à bien, comme un héritage important de sa présidence. Alors qu’il a surtout cherché, au cours de son premier mandat, à éviter la pire crise économique depuis la Grande Dépression, il veut clairement changer la société américaine au cours du second. La question est maintenant de savoir quelles sont ses chances d’y arriver.
Une chose est sûre : il veut aller vite. Trois mois après sa réélection, trois semaines après son investiture, il a déjà lancé des réformes ambitieuses et très sensibles dans l’opinion. Sur l’immigration, par exemple. Un dossier lancinant, sur lequel deux tentatives de réforme, au cours des six dernières années, ont échoué. On estime qu’il y a environ 11 millions d’illégaux aux Etats-Unis à l’heure actuelle. Un ensemble de propositions faites par un groupe bipartisan de sénateurs ont été bien accueillies. Elles prévoient une procédure de régularisation, moyennant le paiement d’une amende et des arriérés d’impôt. Les illégaux devraient prouver qu’ils parlent anglais, ont travaillé, et, bien sûr, ils ne devraient pas avoir commis de délit grave. En contrepartie d’une réforme que, il y a encore quelques mois, ils auraient eu du mal à avaler, les républicains ont obtenu un durcissement du contrôle des frontières et un meilleur système de contrôle des sorties du territoire, dans les ports et par voie de terre, notamment.
Il y a ensuite la surveillance des armes à feu, un serpent de mer que la tuerie de Newtown, fin 2012, a remis sur le devant de la scène. Dès la mi-janvier, Barack Obama a présenté un vaste plan d’action. Il a besoin du Congrès pour faire en sorte que toutes les ventes d’armes soient enregistrées, que les fusils d’assaut soient interdits, de même que les chargeurs de grande capacité.
Il y a aussi la lutte contre le changement climatique. Dans ce cas, il n’y a pas encore de proposition sur la table, mais une volonté politique clairement exprimée. Dans le discours d’investiture, c’était le point le plus détaillé et le plus mis en avant. D’après la presse américaine, le président devrait encore y revenir ce soir, en présentant le développement des énergies renouvelables et des technologies vertes, non seulement comme un moyen de combattre le réchauffement, mais aussi de créer des emplois et de doper l’économie.
Sur ces trois chantiers, Barack Obama a le soutien de l’opinion. Les sondages varient beaucoup, bien sûr, d’une étude à l’autre, mais la tendance va dans le sens de la Maison-Blanche. Selon une récente enquête Gallup, 72 % des Américains approuvent la mise en place d’une procédure de régularisation des illégaux qui remplissent un certain nombre de critères. Le président a même le soutien, et c’est nouveau, des syndicats et du patronat. Sur les armes, l’émotion provoquée par le massacre de Newtown conduit 56 % des Américains à approuver une interdiction des fusils d’assaut. Enfin, selon un sondage de la Duke University, 50 % des Américains sont « convaincus que le climat change » et 34 % disent qu’il « est probablement en train de changer ». Près des deux tiers sont en faveur de nouvelles régulations sur les émissions des usines et des voitures. Les incendies et la sécheresse de l’été dernier, puis l’ouragan Sandy de l’automne ont marqué les esprits.
Cependant, la partie ne sera pas facile. D’abord parce que la lune de miel du président avec les Américains risque d’être de courte durée. Dans les derniers sondages, seule une petite majorité (52 %) des citoyens approuve son action, contre 41 % qui la désapprouvent. Les « honeymoons » entre les présidents fraîchement élus et l’opinion tendent à se raccourcir, estime Gallup. Parce que le pays est de plus en plus clivé, les présidents entament leurs mandats avec des cotes plus basses qu’auparavant. Et avec l’explosion des nouveaux médias et la bipolarisation des médias traditionnels, tout va plus vite, tout est plus éphémère, y compris les états de grâce.
Surtout, la situation reste très crispée au Congrès. Bien sûr, l’état-major des républicains a compris qu’il risquait de perdre l’électorat latino pour de bon, s’il s’arc-boutait sur l’immigration. Mais il y a un certain nombre d’élus du « GOP » qui ne se sentent pas liés par une discipline de parti. Ils savent que le sujet, dans leur circonscription, est très sensible, et ils pensent déjà aux futures échéances électorales. La même logique s’applique aux autres sujets. Le ton de Barack Obama, très offensif au cours des dernières semaines et guère conciliateur, a irrité plus d’un républicain. Sur les armes, il faudra compter sur le lobbying de la NRA, un des groupes les plus puissants du pays. Quant au changement climatique, il devra composer avec les intérêts de l’industrie, à un moment où elle bénéficie d’une manne providentielle, grâce aux gaz de schiste et aux pétroles non conventionnels.
En réalité, si Barack Obama veut vraiment marquer les esprits au cours de son second mandat, sa réussite la plus éclatante serait de réparer un Congrès bloqué, comme le déplorent depuis maintenant des années, sondage après sondage, les Américains.
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