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Posted on June 1, 2013.
Cela fait presque douze ans que Robert Mueller est à la tête du FBI. Une période d’une durée inhabituelle qui en fait le patron du contre-espionnage américain ayant eu la plus grande longévité à ce poste depuis Edgar Hoover. Il y a deux ans, c’est Barack Obama lui-même qui avait demandé à ce qu’il reste au-delà des dix ans légalement prévus, présentant Mueller comme «le golden standard» du métier. Mais l’heure est venue de le remplacer et c’est James Comey, un républicain, ancien de l’équipe de George W. Bush, respecté par le camp démocrate, qui était pressenti pour occuper la fonction.
Il ne sera pas facile de remplacer Mueller, professionnel sûr et expérimenté – qui a su surmonter avec habileté les gigantesques défis sécuritaires et éthiques de l’après-11 Septembre. Débarqué à la tête du FBI le 4 septembre 2001, une semaine avant les attaques terroristes contre les tours jumelles et le Pentagone, ce dernier, un fils de famille new-yorkaise passé par les meilleures écoles, et connu pour sa rectitude, n’avait pas vraiment le profil du terrain, buveur de bière et un peu besogneux, des agents traditionnels du FBI. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il a assumé avec succès la lourde tâche de changer la culture du Bureau d’investigation fédérale, en opérant sa transformation d’agence chargée de lutter contre le crime en organisation centrée sur le contre-terrorisme.
Tout en gérant l’internationalisation nécessaire d’une maison confrontée à des menaces globalisées, Mueller a réussi à sortir relativement indemne des gros scandales de tortures qui ont éclaboussé la CIA et l’armée sous Bush, même s’il a attendu 2004 pour s’en désolidariser officiellement. Il est également connu pour s’être opposé à la remise en vigueur d’un programme d’écoutes illégales de l’agence de sécurité nationale (NSA), que le président Bush s’apprêtait à réautoriser dans le cadre du Patriot Act.
Point intéressant, c’est James Comey, personnage central de cet épisode survenu en 2004, que le président Obama vient de choisir pour remplacer Mueller. Alors adjoint du ministre de la Justice John Ashcroft, Comey avait été chargé de remplacer son patron qui se faisait opérer de la prostate. Il apprit que le conseiller légal de la Maison-Blanche, Alberto Gonzales, et le chef de l’Administration Bush, Andrew Card, deux faucons de la lutte antiterroriste, cherchaient à profiter de la faiblesse d’Ashcroft pour le convaincre de réautoriser un programme d’écoutes illégales de grande ampleur. Scandalisé, Comey se précipita à l’hôpital pour prévenir son boss. Avec l’aide de Mueller, accouru lui aussi au chevet du malade, Comey convainquit le ministre de ne pas céder à Card et Gonzales, présents dans la pièce. À en croire un témoignage donné par Comey devant le Congrès en 2007, Ashcroft se dressa sur son lit d’hôpital pour annoncer qu’il n’autoriserait pas les écoutes.
Cet épisode dramatico-burlesque – devenu le fait de gloire de Comey – lui a taillé une réputation de professionnel indépendant aussi bien auprès des républicains comme des démocrates. Avant son envol au sein de la hiérarchie du ministère de la Justice, il avait été assistant procureur adjoint à Manhattan puis procureur en Virginie. Il est connu pour son remarquable travail d’enquête sur une attaque terroriste qui avait tué 19 soldats américains en Arabie saoudite en 1996. Comey a aussi géré un fonds spéculatif important, expérience qui devrait lui servir à la tête d’une agence qui gère un budget de 8,2 milliards de dollars. Il arrive dans une période assombrie par l’attaque terroriste de Boston, qui a mis le FBI sur la sellette. L’un des auteurs présumés de l’attentat, Tamerlan Tsarnaïev, avait été interrogé par l’agence à la demande des services russes. Mais le FBI avait vite fermé le dossier. Une hâte qui hante, dit-on, Robert Mueller, inquiet de la menace grandissante des «loups terroristes solitaires».
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