When Bernanke Plays with the Nerves of the Markets

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En laissant entendre qu’il pourrait prochainement infléchir sa politique « accommodante », Ben Bernanke a semé le doute sur les marchés, qui se demandent quand le président de la Fed retirera le tapis monétaire sous leurs pieds.

Les investisseurs du monde entier pèsent toujours au trébuchet chaque mot du président de la Réserve fédérale. C’est encore plus vrai depuis la crise financière. Ce sera plus criant encore cette semaine, quand Ben Bernanke tiendra, mercredi, sa conférence de presse. Depuis la dernière réunion du comité de politique monétaire, les marchés sont en proie au doute. A quel horizon et à quel rythme la Fed va-t-elle sortir des dispositifs exceptionnels mis en place pour maintenir les taux d’intérêt, courts et longs, à des taux anormalement bas ? C’est une question à 3.000 milliards de dollars. Soit le montant qui s’est évaporé, sur les marchés actions du monde entier, depuis le 22 mai, date à laquelle Ben Bernanke a semé la perplexité avec une phrase lancée devant le Congrès. Le comité de politique monétaire pourrait « réduire les achats d’obligations au cours de l’une de ses prochaines réunions », pour autant qu’il perçoive « des signes d’amélioration durable sur le marché du travail ». Certains investisseurs en ont déduit que Ben Bernanke préparait ainsi les investisseurs à la fin de l’assouplissement monétaire (QE) entamé en septembre, puis accéléré en décembre.

En achetant pour 85 milliards de dollars d’obligations d’Etat américaines et d’actifs immobiliers titrisés chaque mois, la Fed maintient une forte pression baissière sur les taux d’intérêt à long terme. Avec plusieurs objectifs : pousser les capitaux vers des marchés plus risqués comme les marchés actions, favoriser l’immobilier et le refinancement des prêts hypothécaires, notamment. Un portefeuille actions et une maison mieux valorisés doivent redonner confiance aux consommateurs américains et les encourager à acheter. L’assouplissement quantitatif pousse aussi le dollar à la baisse, ce qui aide les exportations américaines et favorise l’emploi.

Le bilan était jusqu’au 22 mai plutôt positif : Wall Street a aligné les records historiques en mai et les prix de l’immobilier affichent des hausses à deux chiffres dans plusieurs grandes zones urbaines du pays. Mais voilà, beaucoup d’investisseurs craignent désormais que de nombreuses valorisations actuelles ne soient artificielles. Un château de cartes prêt à s’effondrer dès que Ben Bernanke retirera le tapis monétaire sous leurs pieds. D’où une grande nervosité. Si la Fed s’apprête à réduire ses achats d’obligations, ne va-t-elle pas les arrêter, carrément, plus tôt que prévu ? Ne va-t-elle pas, dans la foulée, augmenter ses taux directeurs, à l’heure actuelle très proches de zéro, plus rapidement qu’anticipé, à savoir en 2015 ?

La Fed a bien essayé, récemment, de rassurer. Elle fait passer des messages : si elle réduisait ses achats de titres, cette mesure pourrait être réversible en cas de besoin. Le rythme de repli du QE pourrait être très lent. Et il s’écoulerait de toute façon un grands laps de temps (plusieurs mois) entre la fin du QE et le relèvement des taux directeurs. Mais cela n’a pas suffi. L’étude des contrats de swaps sur les Fed Funds montre que le marché attend désormais une hausse dès la fin 2014. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans était la semaine dernière au plus haut depuis quatorze ans. Les plus anciens, dans les salles de marché, commencent à se remémorer le bain de sang de 1994, quand une remontée rapide des taux leur a causé de sévères pertes en capital.

Pourquoi Ben Bernanke, qui ne pouvait ignorer l’écho qu’auraient ses déclarations, a-t-il pris le risque de perturber les investisseurs ? Plusieurs hypothèses circulent. La première : le président de la Fed aurait simplement voulu donner des gages aux faucons et les calmer. Ceux qui le surnomment « Helicopter Ben », une métaphore empruntée à Milton Friedman, pour caricaturer celui qui déverse des montagnes de liquidités sur l’économie depuis son hélicoptère, craignent la formation de nouvelles bulles.

Deuxième hypothèse : non seulement il entend les faucons, mais il pense qu’ils ont raison, au moins en partie. Sa sortie viserait à jeter un peu de sable dans les rouages de la machine spéculative.

Troisième hypothèse : il s’agissait d’un ballon d’essai, une petite phrase visant à mesurer la sensibilité des marchés, en anticipation des véritables annonces futures de repli du QE.

Quatrième hypothèse : la Fed s’apprête effectivement à durcir sa politique plus tôt que prévu.

En réalité, le plus probable est que le travail de repli du QE et de remontée progressive des taux revienne à la personne qui succédera à Ben Bernanke, à la fin de son deuxième mandat, en janvier. Les marchés commencent aussi à gamberger à ce sujet. A qui Barack Obama donnera-t-il ce fauteuil si sensible ? On cite le nom de Larry Summers, secrétaire au Trésor de Bill Clinton, qui a contre lui sa réputation : un caractère difficile, qui pourrait avoir du mal à composer avec les ego déjà imposants du comité de politique monétaire.

Tim Geithner ? Reconnu sur la scène domestique et internationale, le premier secrétaire au Trésor de Barack Obama risque d’avoir contre lui les républicains du Sénat dans la procédure de confirmation. A cause de son rôle dans le plan de sauvetage du secteur financier de 2008. Après avoir torpillé la nomination de Susan Rice au département d’Etat, certains conservateurs se cherchent une nouvelle proie. De toute façon, Tim Geithner dit ne pas être intéressé.

Du coup, la favorite du moment est Janet Yellen, actuelle vice-présidente de la Fed. Une colombe qui se soucie bien plus de l’emploi que de l’inflation. Pas de quoi paniquer, donc, dans les salles de marché. Pour l’instant du moins.

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