WikiLeaks: The Seven Lessons of the Manning Affair

Edited by Eva Langman

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Le soldat américain Bradley Manning écope de 35 ans de prison pour avoir transmis à WikiLeaks des milliers de documents. Et pour le renseignement ou le journalisme, pour Snowden ou Obama, les répercussions sont nombreuses.

Une peine de 35 ans a été prononcée à l’encontre de Bradley Manning. Le verdict, qui se veut un exemple pour tous les soldats qui envisageraient une fuite similaire, est en-deçà des 60 ans réclamés par le procureur militaire. A l’issue du procès, que retiendra-t-on de l'”affaire Manning” ?

1. Bradley Manning n’est pas Edward Snowden

Même si le chef d’accusation d’”aide à l’ennemi” n’a finalement pas été retenu lors de son procès, Bradley Manning est un “traître” aux yeux de 52% d’Américains. Il est vrai que le sondage (Rasmussen) remonte à début juin, soit quelques jours seulement après les révélations d’Edward Snowden sur la National Security Agency (NSA). Mais beaucoup d’Américains restent convaincus qu’en fournissant 700.000 documents gouvernementaux à Wikileaks, Manning a causé du tort à son pays.

2. Sa condamnation est lourde

Trente-cinq ans de prison ferme : la peine semble lourde à beaucoup, même si les procureurs avaient requis 60 ans minimum. “Une condamnation bien trop longue, quel que soit le standard que l’on applique”, estime le “New York Times”. “Je pense qu’il [Manning] est allé trop loin”, écrit Dana Milbank dans le “Washington Post”, mais “il a contribué à un débat important sur la portée de l’Etat sécuritaire”. Autre critique, qui revient souvent : il a été “puni bien plus sévèrement que d’autres [soldats] qui ont torturé des prisonniers et tué des civils”, rappelle Ben Wizner, de l’American Civil Liberties Union (ACLU).

3. Il ne sera pas libéré avant longtemps

Bradley Manning peut-il être gracié par Barack Obama ? Il en a fait la demande dès l’annonce de sa condamnation. Mais ses chances sont quasiment nulles : Obama a accordé moins de grâces que chacun de ses quatre prédécesseurs, et celle-ci déclencherait une polémique furieuse dans les rangs de la droite. Une libération anticipée ? En comptant les trois ans de prison déjà effectués, il a une chance – mais en aucun cas la certitude – d’être libéré pour bonne conduite après avoir passé 10 ans dans les geôles.

4. Son procès influencera le sort d’Assange et Snowden

Si Julian Assange devait être extradé (ce qui semble improbable vu les traditions de l’Equateur et de la Suède en la matière), il serait probablement inculpé d’espionnage mais tenterait de se placer sous la protection du Premier amendement défendant la liberté d’expression. Difficulté supplémentaire pour la justice américaine, avec le procès Manning : les procureurs ont été incapables de prouver que le prévenu avait suivi quelque instruction que ce soit venant du fondateur de Wikileaks. Et Manning lui-même a insisté sur le fait qu’Assange ne l’avait incité en aucune façon à divulguer les documents.

Quant à Edward Snowden, à supposer qu’il ait jamais été tenté par un deal avec la Justice, comme celui que son père a proposé, il n’a plus d’illusion à se faire. La condamnation de Manning garantit que Snowden “fera tout son possible pour ne jamais remettre les pieds aux Etats-Unis”, estime Gabriel Schoenfeld, du think tank conservateur Hudson Institute.

5. Il a lancé le débat sur l’obsession du secret dans l’administration

Le procès Manning a été l’occasion, pour l’équipe Obama, de suggérer que les journalistes pouvaient être poursuivis pour avoir reçu des documents classifiés. L’idée étant de dissuader tous ceux qui peuvent être tentés de divulguer des informations confidentielles. Mais avec l’affaire Snowden, cette tactique lui revient en pleine figure : l’opinion s’est prise de sympathie pour les fuiteurs. Et les experts ne croient pas à l’effet dissuasif de cette lourde peine de prison, dans un pays où 92 millions de documents sont classifiés chaque année et où 4 millions d’Américains sont habilités à accéder à des documents de ce type.

6. Après lui, le journalisme ne sera jamais plus le même

Tout le monde connaît la saga Wikileaks, qui n’aurait pas été possible sans les révélations de Manning. Comme l’a confirmé l’affaire Snowden, les scoops sur la sécurité nationale ne proviennent plus des canaux traditionnels de l’information mais d’acteurs free lance, d’électrons libres difficiles à contrôler. Dépassés, les grands médias mettent aujourd’hui les bouchées double pour s’adapter, apprenant – entre autres – à utiliser des précautions sophistiquées de chiffrement pour protéger le secret des communications avec leurs sources.

7. Obama ne sort pas grandi de l’affaire

Avant même la débâcle de la NSA, l’extraordinaire agressivité de l’administration dans l’affaire Manning, allant jusqu’à soumettre l’intéressé à neuf mois d’isolement carcéral total, a surpris à l’étranger et dans la gauche démocrate. D’autant qu’elle faisait suite à une série d’actions visant à intimider les journalistes et à une classification “top secret” abusive de milliers de documents, digne des pires moments de l’administration Bush. L’affaire Snowden a démoli ce qui restait de la statue d’un Obama protecteurs des libertés et de la vie privée, avec ses responsables de l’administration mentant ouvertement au Congrès, sa NSA pataugeant des explications embarrassées sans cesse démenties par de nouvelles révélations, et une promesse présidentielle vague d‘entamer un “débat national”…

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