Pourquoi la Fed doit « taper » fort
« To taper ». En anglais, cela veut dire « s’effiler », « décroître progressivement ». Et depuis que Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine, a employé cette expression, les investisseurs ne parlent plus que de cela. Comment la Fed va-t-elle s’y prendre pour son « tapering » ? En clair, à quel rythme va-t-elle diminuer ses achats d’actifs – des emprunts d’Etats, des crédits hypothécaires et autres billets de trésorerie acquis chaque mois sur les marchés – pour ramener à des proportions plus raisonnables un bilan qui a quadruplé en cinq ans. Bernanke doit donner des premiers éléments de réponse demain soir, et c’est peu dire que sa conférence de presse tiendra en haleine toute la communauté financière.
L’exercice est d’autant plus périlleux que la Fed n’a aucune expérience en la matière. Le pilote de la première économie mondiale doit aborder ce virage sans compromettre la reprise aux Etats-Unis ni provoquer de tempête sur les marchés. Or les premiers signes de bourrasques sont apparus avant même que le « tapering » ne démarre… Les taux d’intérêt sont violemment remontés aux Etats-Unis – et en Europe par contagion -, remémorant le fâcheux précédent du krach obligataire de 1994. Comme si la Fed allait appuyer des deux pieds sur le frein, alors qu’elle devrait à peine lever le pied de l’accélérateur : on dit qu’elle se contentera de 75 milliards de dollars d’achats d’actifs mensuels au lieu de 85 actuellement… Mais les investisseurs font rarement dans la nuance, qui ont tôt fait d’assimiler l’amorce d’une normalisation à un resserrement de la politique monétaire.
Il y a pourtant dans ce virage quelques bonnes nouvelles. C’est d’abord le signe évident que l’économie américaine va mieux, qu’elle peut se passer de béquilles pour avancer et qu’elle est prête à encaisser une remontée du dollar. C’est ensuite la preuve que les autorités monétaires sont conscientes de la nécessité de contenir les bulles spéculatives en train de se former à cause de l’abondance de liquidités mondiales, et dont l’éclatement pourrait coûter très cher. C’est enfin une mise en garde à tous les Etats : ils ne pourront pas compter ad vitam sur des taux d’intérêt avantageux pour repousser les efforts de désendettement. Une piqûre de rappel utile aux Etats-Unis, où vont s’engager de nouvelles négociations sur le plafond de la dette, comme en Europe, où la croissance reste beaucoup trop molle pour soulager des finances publiques toujours exsangues.
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