Published in Liberation
(France) on 26 December 2013
by Le Collectif anti-MOOC, Solidaires Etudiants, la CGT Ferc-Sup et l’Unef de l’ENS (link to originallink to original)
This year, the École Normale Supérieure is launching itself into the MOOC adventure — "massive online open courseware," in English. Three new courses in math, physics and philosophy were listed and put online through the private American platform Coursera. This is a revolution in the higher education system which we think needs to be debated publicly.
The emergence of MOOCs in the United States during the 2010s points to economic choices and pure cost-effectiveness. The stated objective was to respond to the crisis of private American universities, due to rising tuition costs, increasing student loans, increasing unemployment among young graduates and the weakening return on their investment. The profits of private universities have been slumping and applications have been redirected toward public universities — more than 53 percent in 2011 — unable to respond to the demand because of poor funding.
The economic model of MOOCs attempts to respond to these problems thanks to gains permitted by virtual learning. For the time being, access to the courses is free, but certification costs money. MOOCs also benefit from publicity revenues or even by selling student information to data companies. We understand that this response could be attractive in France, in the context of a budgetary shortage caused by the government's disengagement from the university. Incidentally, private businesses profit. In order to be hosted on a platform, a university must pay a very high price — $50,000 per course on the Coursera platform in 2012 — and it does not receive more than 20 percent of the revenues.
Eventually, putting lessons online allows for crossing geographic barriers and unifying a market that has until now been limited by spatial constraints, while putting establishments around the world in competition with each other. This attempts to reinforce the concentration of means in major university poles at the expense of the "small" establishments. The last step that remains to be taken is that all universities, notably in Europe, agree to recognize the certifications that these platforms confer in order to finish unifying this market primarily financed through public funds and students.
We could otherwise fear, as envisaged by Bill Gates himself, "a selection process so brutal" during which "90 percent of the courses will never be seen" and will disappear.* This way the offer would be standardized by the emergence of courses marketed by prestigious universities. The small schools, in order to reduce costs, would have to use these courses and substitute seminar instructors and other adjuncts.
The development of MOOCs does not therefore follow the philanthropic reasons tied to the democratization of knowledge, which in reality we can doubt. In fact, access to digital technology is socially uneven; online courses, taken at home, keep learners in their native environments and reduce the already insufficient scholarly mingling. The enormous dropout rate — around 90 percent — would also counterbalance the ease of access to these resources and the large numbers of registrants.
These packages should also raise certain questions about the meaning of the teaching profession. If they are going to spread, we will no longer be dealing with taking a course adapted to a class and in line with research activity, but to clarify a prefabricated course, at the expense of interactions between the professor and his class. The concept of academic freedom will also not make sense anymore because the repetition of imposed content will replace the task of understanding.
It is in this context that the management of the ENS implements with enthusiasm the ministry's directives regarding MOOCs. The presentation of this decision as a simple experiment must not hide the fact that the competitive factor is claimed under the guise of "international visibility." Shamelessly, the management even imagines that in the future there will no longer be more than two or three courses in the entire world on the same subject.
In reality, MOOCs and in-class learning are not complementary. The arrival of the former means the end of the latter, or in any case, its subordination. This is why we are firmly opposed to the implementation of MOOCs, which follow the neoliberal politics on education by Ministers Valérie Pécresse and Geneviève Fioraso.
*Editor’s Note: This quote, accurately translated, could not be verified.
Mooc : une étape vers la privatisation des cours
Par le Collectif anti-MOOC, Solidaires Etudiants, la CGT Ferc-Sup et l’Unef de l’ENS 26 décembre 2013 à 17:06
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Mode zen
Cette année, l’Ecole normale supérieure (ENS) se lance dans l’aventure des Mooc («cours en ligne ouverts et massifs» en anglais). Trois nouveaux cours en mathématiques, physique et philosophie ont été enregistrés et mis en ligne sur la plateforme privée américaine Coursera. Une révolution du système universitaire qui nous semble devoir être publiquement débattue.
L’apparition des Mooc aux Etats-Unis dans les années 2010 relève de choix économiques de pure rentabilité. L’objectif affiché était de répondre à la crise des universités privées américaines, suite à la hausse des frais de scolarité, à l’augmentation des emprunts étudiants, au chômage croissant des jeunes diplômés et à l’affaiblissement de leur retour sur investissement. Les profits des universités privées se sont effondrés et les demandes d’inscription se sont reportées vers les universités publiques (+ 53% en 2011), incapables de répondre à la demande en raison de la faiblesse des financements (1).
Le modèle économique des Mooc tente de répondre à ces problèmes grâce aux gains permis par l’enseignement virtuel. L’accès aux cours est pour l’instant gratuit, mais la certification est payante. Les Mooc bénéficient aussi de recettes publicitaires ou encore de la vente aux entreprises d’informations sur les étudiants. On comprend que cette réponse puisse séduire en France, dans un contexte de pénurie budgétaire causée par un désengagement de l’Etat dans l’université. Au passage, des entreprises privées en profitent. Pour être hébergée sur une plateforme, une université doit payer des droits très élevés (50 000 dollars par cours sur la plateforme Coursera en 2012) et ne reçoit que 20% des revenus (2).
A terme, la mise en ligne des enseignements permet de passer outre les barrières géographiques et d’unifier un marché jusque-là limité par des contraintes spatiales en mettant en concurrence les établissements du monde entier. Cela tend à renforcer la concentration des moyens dans les grands pôles universitaires aux dépens des «petits» établissements. La dernière étape qui reste à franchir est que toutes les universités, notamment en Europe, acceptent de reconnaître les certifications conférées par ces plateformes pour finir d’unifier ce marché majoritairement financé par des fonds publics et les étudiants.
On peut en outre craindre, comme l’envisage Bill Gates lui-même, un «processus de sélection assez brutal» au terme duquel «90% des cours ne seront jamais visionnés» (3) et disparaîtront. L’offre serait ainsi uniformisée par l’apparition de quelques cours commercialisés par des universités prestigieuses. Les petites universités, pour réduire les coûts, devront utiliser ces cours et substituer aux enseignants de simples chargés de TD et autres vacataires.
Le développement des Mooc ne découle donc pas de raisons philanthropiques liées à la démocratisation des savoirs, dont on peut douter de la réalité. En effet, l’accès au numérique est socialement différencié et les cours en ligne, écoutés chez soi, maintiennent les enseignés dans leurs milieux d’origine et diminuent un brassage scolaire déjà insuffisant. L’énorme taux d’abandon (autour de 90%) vient aussi contrebalancer la facilité d’accès à ces ressources et le grand nombre d’inscrits.
Ces dispositifs devraient aussi soulever quelques interrogations sur le sens du métier d’enseignant. S’ils viennent à se diffuser, il ne s’agira plus de faire un cours adapté à une classe et en lien avec l’activité de recherche, mais d’expliciter un cours préfabriqué, aux dépens des interactions entre le professeur et sa classe. Le concept de liberté pédagogique n’aura tout simplement plus de sens puisque la répétition d’un contenu imposé remplacera les tâches de conception.
C’est dans ce contexte que la direction de l’ENS met en œuvre avec entrain les directives du ministère relatives aux Mooc. La présentation de cette décision comme une simple expérimentation ne doit pas masquer le fait que la dimension concurrentielle est revendiquée sous le nom de «visibilité internationale». Sans complexe, la direction imagine même qu’à l’avenir, sur un même sujet, il n’y ait plus que deux ou trois cours dans le monde entier.
En réalité, Mooc et enseignements en classe ne sont pas complémentaires. L’avènement des premiers signifie la fin des seconds ou, en tout cas, leur subordination. C’est pourquoi nous nous opposons fermement à la mise en place des Mooc, qui poursuit la politique néolibérale conduite dans l’enseignement par les ministres Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso.
(1) Article d’Annie Vinokur : la Normalisation de l’université (2013). (2) Ibid. (3) Au Forum économique de Davos, janvier 2013.
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